Quand les féministes sont accusées de harcèlement, #MeToo tombe sur la tête
Elles ont été parmi les fers de lance du mouvement #MeToo, dénonçant avec véhémence harcèlement et agressions sexuelles de la part d’hommes de pouvoir. Aujourd’hui, c’est au tour de la philosophe Avita Ronnell et de l’actrice Asia Argento d’être accusées.
Après avoir révélé avec fracas l’affaire Weinstein il y a quelques mois, le New York Times met à nouveau en lumière une affaire d’harcèlement sexuel opposant une personne en position de faiblesse à un prédateur ayant autorité sur elle. Sauf qu’ici, le prédateur en question est une femme, la philosophe et féministe américaine Avita Ronnell. Et si celle-ci défend bec et ongles les droits des femmes, il semblerait qu’elle n’applique pas ses principes à la gent masculine. Après 11 mois d’investigation, la justice a tranché: Avita Ronnell s’est bien rendue coupable d’harcèlement sexuel envers un de ses étudiants, Nimrod Reitman, qu’elle aurait poursuivi avec ardeur trois ans durant entre 2012 et 2015. Outre du chantage sexuel pur et dur, Avita Ronnell se plaisait ainsi à donner une série de surnoms à son étudiant, allant de “mon adoré” à “mon doux bébé câlin” en passant par “mon cocker spaniel”. Et bien que sa culpabilité ait été avérée, ses consoeurs et compagnes féministes n’ont pas hésité à immédiatement montrer les crocs pour la défendre.
I agree that NYU professor Avital Ronell deserves due process. Everyone does. I just wish that celebrity professors like Judith Butler & Gayatri Spivak had spoken up earlier when the campus kangaroo courts & witch-hunts began. Where have they been?
https://t.co/Rxxb66tH4d
— Christina Sommers (@CHSommers) 14 juin 2018
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De victime à coupable
Dans une lettre signée par plus de 50 professeures de prestigieuses universités américaines et adressée à NYU, l’employeur d’Avita Ronnell, il est ainsi notamment souligné qu’il s’agit d’une “campagne malveillante” contre elle, les signataires de la lettre s’étonnant également que le plaintif ait “mis si longtemps à se manifester”. Soit, presque mot pour mot, la même ligne de défense initiale qu’Harvey Weinstein, qui avait parlé au départ de campagne de calomnie contre lui et fait valoir que les faits qui lui étaient prétendument reprochés s’étaient produits il y a plusieurs années, et que s’ils avaient vraiment eu lieu, ses accusatrices se seraient manifestées à l’époque. Outre le genre de l’agresseur, il s’avérerait donc que la réponse soit la même, entre dénégation totale et tentatives de discréditer les victimes. Ce qui explique, justement, pourquoi elles mettent parfois plusieurs années avant d’oser se manifester.
#MeToo, et eux aussi
Comme dans le cas de Jimmy Bennett, un acteur américain engagé à l’âge de 7 ans pour jouer le fils d’Asia Argento dans un film, et qui affirme aujourd’hui que l’actrice aurait sexuellement abusé de lui quand il avait 17 ans. Une accusation qui fait doublement l’effet d’une bombe puisque l’actrice et réalisatrice italienne a été une des premières à accuser Harvey Weinstein, dont elle a été victime, et fait depuis figure de fer de lance du mouvement #MeToo. Selon un acte d’accusation remis à l’actrice par les avocats de Jimmy Bennett en novembre dernier, celui-ci accuse Asia Argento de l’avoir attiré dans sa chambre d’hôtel en 2013, d’avoir renvoyé son chaperon, fait boire de l’alcool à Jimmy et lui avoir avoué ses sentiments avant de le pousser sur le lit et d’avoir des relations sexuelles avec lui.
Sauf qu’en Californie, où les faits se sont produits, l’âge du consentement sexuel est fixé à 18 ans, ce qui veut dire que même si la relation était consensuelle (ce qu’affirme la défense d’Asia Argento), l’actrice a techniquement abusé de lui. Et lui a versé plus de 380 000 euros à l’époque pour taire l’affaire. Une pratique semblable, à nouveau, à celles d’Harvey Weinstein, qui a payé nombre de ses accusatrices pour qu’elles passent ses actions sous silence. Sauf que quand Asia Argento s’est exprimée publiquement, cela en a été trop pour Jimmy Bennett, ainsi que l’explique son avocate.
Jimmy a été contraint de revivre toute cette situation quand Asia Argento a pris le devant de la scène pour dénoncer les abus dont elle avait été victime de la part d’Harvey Weinstein.
Ni Jimmy ni Asia n’ont répondu aux demandes de commentaires du New York Times, laissant aux documents juridiques obtenus par le journal le soin de parler pour eux. Reste qu’entre le cas d’Asia Argento et celui d’Avita Ronnell, une autre lecture se profile en marge de celle de #MeToo: plus qu’une question de genre, le harcèlement sexuel serait une question de pouvoir. Et les femmes peuvent en être autant victimes que coupables.
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