Au Québec la parole se libère sur les stérilisations forcées des femmes autochtones
Un rapport vient de révéler que des dizaines de femmes autochtones auraient subi des stérilisations forcées ainsi que des violences obstétricales depuis 1980 au Québec.
22, elles seraient au moins 22 femmes issues des Premières Nations et des communautés Inuits à avoir subi une stérilisation forcée au Quebec. C’est ce qu’affirme un rapport de recherche publié en novembre 2022. « Des violences obstétricales, dont des avortements imposés » auraient également été subis par certaines de ces femmes entre 1980 et 2019. Ce rapport, réalisé par l’école d’études autochtones rattachée à l’université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, met en lumière un véritable scandale d’Etat. Des femmes venant accoucher repartaient sans le savoir ou contre leur gré, avec les trompes ligaturées ou une hystérectomie.
Les stérilisations ont été réalisées de manière précipitée, souvent après un accouchement, alors que les participantes n’avaient jamais parlé de contraception avec leurs médecins lors de leur suivi de grossesse et qu’aucune raison médicale ne justifiait l’empressement à réaliser cette intervention.
notifie le rapport. Parmi ces 22 femmes, seize d’entre elles certifient n’avoir signé aucun formulaire de consentement pour ce genre d’intervention. Beaucoup de ligatures des trompes auraient été pratiquées « à leur insu, alors qu’elles subissaient une césarienne », selon les chercheurs. « Des mois, voire des années, se sont écoulés avant qu’elles ne consultent en fertilité et apprennent avec consternation qu’elles ont été ligaturées lors de leur plus récent accouchement », écrit Mme Basile, qui a co-écrit le rapport.
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Certaines femmes, elles, ont bien signé un formulaire de consentement, mais sans savoir la teneur de ce qu’elles étaient en train de ratifier. Bien souvent, le personnel médical leur présentait cette intervention comme une contraception. « Il apparaît dans les témoignages qu’il y a une méconnaissance généralisée quant au caractère permanent de cette opération », atteste le rapport.
D’autres femmes concernées expliquent qu’elles connaissaient les conséquences de la ligature, qu’elles l’ont refusé, mais qu’elles ont été poussé par l’équipe médicale à y consentir. « Les refus répétés d’une participante de subir une ligature des trompes ne semblent avoir eu aucune incidence sur le comportement de son médecin », précise Mme Basile.
On savait qu’il y avait des cas au Québec, mais il n’y avait rien d’écrit. On voulait faire connaître la situation pour que ça cesse.
Déclare-t-elle. L’ensemble des chercheurs et chercheuses ont rencontré 35 femmes autochtones issues de cinq nations différentes entre mai 2021 et janvier 2022 pour établir ce rapport, rapporte le journal « Le devoir ». Parmi les 22 femmes ayant subi une stérilisation contre leur volonté, 13 témoignent aussi de violences obstétricales par des gestes, paroles ou attitudes discriminatoires. Six autres femmes affirment avoir également subi des violences du même type, sans subir une stérilisation forcée. Toutes étaient âgées de 17 à 33 ans au moment des faits qui se seraient produits entre 1980 et 2019 dans les villes de Roberval, Val-d’Or, Joliette, Sept-Îles et La Tuque.
De son côté, le site de Radio-Canada écrit : « Atikamekw, Innues, Cries, Anishinabeg, Inuits… Elles étaient venues majoritairement pour donner naissance, sans savoir que ce serait la dernière fois ». Une phrase glaçante qui dépeint la réalité de ces femmes qui ont subi des actes restés impunis. La radio relaye également le témoignage d’une femme autochtone dont le médecin lui a dit « On va vous faire la ligature des trompes ». Ce à quoi elle répond qu’elle n’est pas d’accord. Il lui assène alors :
Vous ne trouvez pas que vous en avez assez là ? C’est assez, il faut que ça s’arrête.
Une question se pose, combien sont-elles vraiment à avoir subi ces actes médicaux forcés ? Combien n’ont pas témoigné, mais ont vécu ce traumatisme ?
Prendre des mesures pour protéger les droits des peuples autochtones
Les auteurs et autrices du rapport espèrent que leur texte permettra à ce fléau de cesser au Québec et partout au Canada. Ils demandent la mise en place d’un « groupe de travail qui aurait pour mandat de proposer des changements législatifs afin de prévenir et de sanctionner les stérilisations imposées et les violences obstétricales au Québec et au Canada ». Ainsi que la reconnaissance du racisme systémique au Québec et l’adoption du Principe de Joyce. Un texte qui vise « à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle ».
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