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TÉMOIGNAGES: le difficile retour des jeunes mères au travail: ““C’est un déchirement””

Sarah Moran Garcia

Il y a quelques semaines, nous rencontrions Merry, une ancienne RH reconvertie en doula, qui accompagne les jeunes mères dans leur reprise du travail. Aujourd’hui, ce sont Laurence et Marine (noms d’emprunts), qui se confient sur les difficultés liées au retour au boulot, ainsi que sur leurs craintes.

En Belgique, une mère qui attend famille a droit à un congé maternité de quinze semaines, et celui-ci peut être prolongé à 17, voire à 19 semaines, en cas de naissances multiples. Cette période terminée, il est attendu que les femmes reprennent le chemin du travail. Si certaines ont hâte de retrouver leurs collègues et de se replonger dans le boulot, d’autres, en revanche, éprouvent plus de difficultés à retrouver le rythme. Beaucoup appréhendent aussi ce retour au bureau. Ce fut le cas de Laurence et de Marine (noms d’emprunt).

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Maman solo

Laurence a 37 ans. En 2021, elle a donné naissance à son enfant. Nous étions alors en pleine pandémie. “L’autre difficulté, c’est que, lorsque je suis tombée enceinte, je connaissais le papa depuis un an. Il était marié”, nous confie Laurence. “Il était pour moi une oreille attentive, un ami proche. Il ne se passait rien entre nous, jusqu’au jour où il m’a annoncé qu’il allait quitter sa femme. Les choses ont alors changé entre nous. Est arrivé ce qui devait arriver, et je suis tombée très vite enceinte. Nous le voulions tous les deux.”

À un mois de l’accouchement, le ciel s’est effondré sur la tête de la jeune mère. Le père de son enfant lui a annoncé qu’il aimait toujours sa femme, que sa famille comptait plus que tout pour lui, et il a disparu de sa vie. Laurence a accouché et, deux mois plus tard, a repris son travail de directrice des ressources humaines dans une entreprise bruxelloise.

© Getty Images

Ambiance de travail exécrable

“J’avoue que je n’étais pas sereine”, se souvient-elle. “Je travaillais dans une petite boîte et je gérais seule beaucoup de choses, sans compter mes heures. Quand j’ai dit à mon patron que j’étais enceinte, j’ai senti que ça ne lui avait pas plu.” À son retour au bureau, Laurence explique avoir souffert des sarcasmes de son supérieur hiérarchique, qui lui faisait comprendre que son absence avait causé beaucoup de torts à l’entreprise. Une situation qui n’a fait qu’empirer. “C’est devenu invivable lorsque mon fils a eu de petits ennuis de santé. Alors que j’étais en télétravail, mes courtes absences, pour aller le rechercher à la crèche, par exemple, sont devenues inadmissibles pour ma direction”, regrette la jeune femme. L’ambiance au travail est rapidement devenue exécrable, au point que Laurence ne l’a plus supportée.

Mon patron a tout fait pour me mettre dehors, et j’ai fini par lui demander qu’il me licencie.

Laurence (nom d’emprunt)

Facteurs de stress

Marine, elle, a 33 ans, est employée de bureau, et a donné naissance à son enfant en mai dernier. Elle reprendra le travail dans quelques semaines, mais a énormément d’appréhensions. “Ce qui m’effraie le plus, c’est la gestion de la fatigue. Mes nuits sont encore morcelées, j’ai peur de m’endormir au travail, d’avoir des coups de barre”, indique-t-elle.

Marine stresse également pour l’allaitement. “J’aimerais continuer à allaiter au moins six mois, comme le recommande l’OMS”, souligne la jeune mère. Si on ne lui a pas accordé un congé d’allaitement, elle a tout de même droit à des pauses pour tirer son lait. Mais elle le sait, ce tirage dans un environnement de travail ne sera pas efficace. “C’est quelque chose qui nécessite d’être à l’aise, et c’est souvent incompatible avec le milieu du travail”, commente Marine. Elle préférerait bénéficier d’un congé d’allaitement, comme c’est le cas pour certaines femmes, et reprendre le travail une fois qu’elle ne sera plus la seule source d’alimentation de son bébé. “Ce serait beaucoup moins stressant!”

© Pexels

Un autre point qui effraie la jeune femme, c’est l’organisation de sa vie professionnelle et de sa vie privée. En effet, son compagnon, avec qui elle a déjà un premier enfant, travaille loin, et elle espère pouvoir respecter ses horaires de boulot, ainsi que ceux des lieux de garde (crèche, etc.), tout en parvenant à s’occuper de sa famille. Des tracas exacerbés par un sentiment d’abandon vis-à-vis de son bébé. “Il est encore si petit, l’idée de me séparer de lui est pour moi un déchirement”, nous confie la jeune mère.

Heureusement pour Marine, contrairement à Laurence, ses employeurs sont plutôt compréhensifs avec les “choses inattendues”, et lui ont accordé quelques aménagements, comme des pauses d’allaitement, ainsi que la réduction de ses horaires à une 4/5e temps (qui peut être accordée pour une durée de vingt mois maximum). En revanche, ils attendent d’elle qu’elle soit aussi performante qu’avant son congé maternité.

Ils veulent que je reprenne ma charge habituelle de travail. Je ne peux pas vraiment poser de limites, car le travail que j’effectue ne peut pas être réparti, c’est à moi de gérer au mieux mon planning.

Marine (nom d’emprunt)

Entourage et suivi

Dans leur entourage, Laurence et Marine ne sont visiblement pas les seules jeunes mamans à devoir faire face à des difficultés professionnelles. Une amie proche de Laurence lui a expliqué avoir été remplacée durant son congé maternité, et avoir été rétrogradée à son retour. Du côté de Marine, elle ne compte plus les femmes ayant dû renoncer à l’allaitement en raison de problèmes logistiques et d’environnement professionnel. Toutefois, elles sont aussi nombreuses à s’être confiées sur les difficultés liées à la reprise du travail, mais à être également très heureuses d’avoir retrouvé une vie professionnelle active. Marine espère qu’il en sera de même pour elle.

Depuis un divorce douloureux survenu en 2018, Laurence est suivie par un psychothérapeute, qui l’a également beaucoup aidée suite à l’échec de son aventure avec un homme marié, son accouchement et sa reprise du travail. Marine, quant à elle, a été suivie par des professionnels, avant et après son accouchement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais elle n’hésitera pas à les recontacter en cas de besoin. Elle pense qu’un accompagnement géré par son employeur serait idéal. “On a beau avoir tous les conseils du monde, s’il n’est pas possible de les mettre en place et de les adapter dans la vie professionnelle, c’est peine perdue”, conclut-elle.

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