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© Abuse and violence against women, woman raising hand at home

Victime d’un viol collectif, elle ne se serait ““pas assez débattue”” selon les juges

Kathleen Wuyard

Elle avait 14 ans seulement en octobre 2016 quand elle a été violée par 6 adolescents dans le nord de l’Espagne. Trois ans plus tard, ses agresseurs passent enfin devant le juge... Et c’est elle qui se retrouve jugée: selon les procureurs, l’adolescente ne se serait pas assez débattue et il ne s’agirait donc pas d’un viol.


Depuis juillet 2015, la majorité sexuelle est fixée à 16 ans en Espagne. Pour rappel, les personnes dont l’âge est inférieur à celui de la majorité sexuelle ne peuvent, légalement, donner leur consentement. Autrement dit, de base, quand une adolescente de 14 ans a des rapports sexuels, même si ceux-ci sont consentis, ils peuvent être punis au titre de « viol aux yeux de la loi ». Autant dire que quand arrive au tribunal le procès de 6 jeunes qui ont violé collectivement une jeune fille de 14 ans pendant qu’un 7e regardait, le procès semble plié avant même d’avoir commencé. D’ailleurs, l’avocat de la victime a, sans surprise, demandé que la culpabilité pour viol soit reconnue pour les sept participants, et qu’ils soient condamnés à des peines allant de 15 à 20 ans de prison. Logique, vu le crime commis? Pas selon les procureurs: ces derniers estiment en effet que même si la victime n’avait pas donné son consentement, elle ne s’est “pas assez débattue”. Il ne s’agirait donc pas d’un viol mais “simplement” de violences sexuelles, punissables de 12 ans de prison maximum en Espagne.

“Simple” violence sexuelle


L’argumentaire est rageant, vomitif même, et pourtant, malheureusement, fréquemment utilisé. C’est que face à une agression, qu’elle soit sexuelle ou non, la peur peut faire en sorte que la victime se ferme complètement, et devienne incapable de bouger ou de crier. Soit: incapable de montrer qu’elle n’est pas consentante aux yeux de la loi. Et pourtant, ces mécanismes sont ancrés en nous, et connus des experts de la santé: ainsi que l’explique le psychologue James W.Hopper, “si une personne estime que la résistance est futile, la peur peut causer une immobilité tonique, où la personne est incapable de crier, parler, ou bouger, même si elle essaie”. Et donc, “ne se débat pas assez”, ce qui permet à des procureurs peu scrupuleux de classer le viol en tournante d’une ado de 14 ans comme une “simple” violence sexuelle. Une situation qui ne pourrait pas se produire en Belgique? Chez nous, il y aurait environ 100 viols par jour. Et si seule 1 victime sur 6 oserait porter plainte, le jugement se fait attendre, les délais entre le dépôt de plainte et une arrestation éventuelle de l’agresseur pouvant parfois s’étendre sur plusieurs mois.

La Belgique, mauvaise élève


Comme l’explique Damien Leboutte, Procureur de Division de Liège à nos collègues de la RTBF, cette lenteur s’explique par le fait que “dans des dossiers de mœurs, c’est souvent la parole de l’un contre la parole de l’autre.  Ça peut paraître choquant, mais il faut se dire qu’à un moment donné, nous, on doit ramener des preuves de l’existence des faits tels qu’ils se sont passés et pour amener ces preuves, on a des devoirs à effectuer“. Compréhensible, certes, mais dans les faits, cela ne fait que prolonger le calvaire des victimes, qui, entre dépositions à répétition et examens médicaux, ont déjà un véritable parcours du combattant à affronter. Avec, in fine, aucune certitude que leur agresseur sera puni: invitée par la Commission européenne à se pencher sur le traitement des dossiers de viol par la justice belge, Danièle Zucker, spécialiste en analyse du comportement criminel, a relevé des statistiques glaçantes. Sur 100 dossiers étudiés, seul un agresseur a en effet purgé une peine de prison. 1/100, une proportion d’autant plus inquiétante quand on sait qu’en Belgique, 1 femme sur 5 risque d’être violée ou d’être victime d’une tentative de viol.

 

Si cela vous est arrivé, sachez que des Centres de Prise en Charge des Victimes de Violences Sexuelles existent au sein des CHU de Liège et de Bruxelles et offrent soins médicaux, soutien et suivi psychologique ainsi que la possibilité de déposer plainte auprès d’un policier spécialement formé. Divers services d’aide aux victimes sont également mis en place en Wallonie et à Bruxelles et l’asbl Brise le Silence est particulièrement active en ce qui concerne la libération de la parole de victimes de violences sexuelles, psychologiques et conjugales. Parce que parfois, mettre des mots sur des maux, c’est la première étape pour soigner ses plaies.

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