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TÉMOIGNAGE: ““J’ai troqué mon smartphone contre un vieux Nokia””

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Imaginez une journée sans votre smartphone. Pour certain·e·s, cela semble impensable, mais pour d’autres, comme Onah, 19 ans, rien n’est plus normal. Elle nous explique à quoi ressemble sa vie sans smartphone et nous vous donnons des conseils pour débuter une cure de détox numérique cet été.

Je crois que je n’ai plus besoin de vous le dire: en à peine 20 ans, le smartphone a radicalement changé nos vies. Il y a quelques générations à peine, on écrivait des lettres romantiques, on envoyait des fax professionnels et on disait aux revoir aux pigeons voyageurs. Aujourd’hui, grâce à ce petit appareil, vous pouvez vous envoyer des messages Whatsapp quotidiens, partager un concert en direct sur les réseaux sociaux, envoyer des e-mails à votre boss, payer vos factures, faire vos courses et votre shopping en ligne, rencontrer vos amis à l’étranger, prendre des photos, jouer de la musique, regarder des films... Pratique, non? Il existe une application pour chaque action, ce qui donne l’impression que nous ne pouvons plus nous en passer aujourd’hui. Mais est-ce vraiment le cas? La réponse est non: nous pouvons tout à fait vivre sans. Même si, pour être honnête, je l’ai entendu par ouï-dire, parce que, comme beaucoup, je suis accro à mon smartphone. Onah, 19 ans, est la preuve vivante que les choses peuvent être différentes ET meilleures. Elle n’a plus de smartphone depuis plusieurs mois et a récupéré son vieux Nokia. Elle se dit plus heureuse que jamais! Pourtant, il n’y a pas si longtemps, elle faisait partie des nombreux jeunes qui s’estiment trop dépendants de leur téléphone portable. Kim Hilgert et Christine Wittoeck de la Digital Detox Academy by Tryangle nous expliquent le digimètre 2023, une enquête annuelle sur les habitudes technologiques des Flamands. Christine Wittoeck: « Le digimètre montre que 36 % des adultes estiment passer trop de temps sur leur smartphone. 27 % d’entre eux se disent même dépendants. » La situation est encore pire chez les jeunes, poursuit Kim: « Dans la tranche d’âge des 18-24 ans, 57 % pensent qu’ils passent trop de temps sur cet appareil et 35 % se disent accros. »

Nous sommes donc confronté·e·s à un problème. Onah, aidez-nous: comment avez-vous réussi à vous libérer de l’emprise de votre smartphone?

Onah: « Tout d’abord, il faut en avoir envie. Lorsque d’autres personnes voient mon vieux Nokia, elles me disent souvent ‘Oh cool, moi aussi je veux ça’ et décident immédiatement qu’elles n’y parviendront probablement pas. C’est que votre motivation n’est pas assez forte. J’ai moi-même commencé par passer d’un iPhone 11 à un smartphone encombrant et volumineux en raison des circonstances, avant d’en arriver à mon Nokia. Alors peut-être qu’une transition progressive vaut mieux qu’un arrêt brutal. Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé cela étonnamment facile. J’ai immédiatement ressenti comme une bouffée d’air frais. Je n’ai pas rechuté une seule fois et je ne l’ai pas regretté un seul instant. »

Manque de concentration

Les universitaires tentent depuis longtemps de nous mettre en garde contre les dangers du smartphone. S’il nous permet de trouver plus d’informations plus vite, nous sommes de moins en moins capables de les lire et de les mémoriser attentivement. « Auparavant, les gens pouvaient se plonger sans effort dans un livre ou un long film, explique Christine Wittoeck. Aujourd’hui, la plupart des gens souffrent après une ou deux pages, ou préfèrent regarder des courtes séries. Notre cerveau a besoin de temps et de repos pour traiter correctement toutes ces informations, mais nous ne nous lui permettons pas. Nous faisons des pauses avec nos téléphones portables, nous nous promenons avec nos téléphones portables, nous regardons la télévision avec nos téléphones portables, nous interrompons des conversations pour nos téléphones portables... Il en résulte une surcharge de notre cerveau, avec des symptômes tels que des problèmes de concentration et d’insomnie, voire des troubles plus graves comme le stress chronique, l’épuisement professionnel, les maux de tête et les troubles dépressifs. »

Onah ne peut qu’acquiescer « Je dors et j’étudie mieux, je suis moins distraite... et pourtant je suis du genre dispersée.

Avant, je n’arrivais même pas à me concentrer pour regarder un film en entier parce que j’étais trop habituée aux courtes vidéos de TikTok, mais aujourd’hui, je peux les apprécier sans avoir à sortir mon téléphone portable.

Par ailleurs, j’étais beaucoup plus agitée auparavant. Je perdais énormément de temps sur les réseaux sociaux. Dès que je me réveillais, je consultais TikTok ou Instagram, et l’année dernière, BeReal est venu s’y ajouter. Maintenant que je n’ai plus de smartphone, j’ai l’esprit plus tranquille et je suis moins facilement distraite, simplement parce que je ne suis plus constamment sur-stimulée. Attention, je n’ai pas subi une désintoxication numérique totale. Je suis toujours sur les réseaux sociaux, par exemple, mais uniquement via mon ordinateur portable. C’est une énorme différence par rapport à l’époque où je n’avais qu’à prendre mon téléphone portable hors de ma poche. Sur un ordinateur, les réseaux sociaux sont moins intuitifs et pas très conviviaux. Je ne scrolle plus sans m’arrêter et sans réfléchir: mon activité est délimitée et contrôlée.

Et c’est bien meilleur pour ma santé mentale. Il y a quelques mois, j’avais posté un BeReal, où l’on me voyait étudier seule à mon bureau. J’ai alors vu les photos des personnes que je suivais, qui buvait du vin au parc ou qui étudiaient à plusieurs. Cela me rendait jalouse à chaque fois. Sur les réseaux sociaux, votre propre vie semble toujours moins spéciale que celle des autres. Aujourd’hui, je ne souffre plus du tout de cette jalousie en ligne, je fais simplement ce que je veux sans me préoccuper de ce que quelqu’un d’autre pourrait penser ou faire. Je suis moins critique envers moi-même et moins préoccupée par la façon dont je me présente sur les réseaux sociaux. Je peux honnêtement dire que je me sens plus forte qu’il y a un an, par exemple. »

Plus de FOMO

Mais qu’en est-il du fomo, soit la peur de louper quelque chose? Par exemple, Onah est-elle au courant lorsque des plans de dernière minute s’organisent via WhatsApp? Onah: « Je n’ai jamais vraiment lu les discussions de groupe. Ma meilleure amie m’informe toujours de ce qui se passe et je me contente de la suivre (rires). Mais oui: on doit explicitement me prévenir quand une fête ou un pique-nique s’organise.

Cela peut sembler contradictoire, car je suis censée avoir plus de chances de manquer un événement, mais le fait de ne plus avoir de smartphone a fait décliner mon fomo.

Je n’ai plus besoin de tout vérifier en permanence, car si c’est vraiment important et que les gens veulent que je sois là, je sais que je serai mise au courant. En fait, je suis positivement surprise de voir qui prend la peine de m’envoyer un SMS pour l’occasion. Je sais maintenant que les personnes qui sont vraiment proches de vous et qui veulent vous voir vous contactent. C’est aussi beaucoup plus agréable de se voir parce qu’on ne sait plus tout sur l’autre à chaque instant, ce qui permet, quand on se revoit, d’avoir une discussion plus spontanée et plus approfondie. »

Nous avons tendance à saisir notre téléphone portable dès que nous nous ennuyons, comme une sorte de toc. Qu’en est-il de Onah? Est-ce qu’elle joue désormais au serpent constamment?

Onah:  « Je joue au Solitaire et à Diamond Rush! Le Solitaire, j’y ai joué tellement de fois que j’ai un record de 2 minutes et 30 secondes. C’est toujours une distraction, mais c’est déjà beaucoup mieux que de scroller sur Instagram. J’ai effectivement des moments où je suis seule avec mes pensées et ces jeux me procurent une certaine tranquillité d’esprit après une longue journée. Dans le bus ou sur le vélo du retour, sans musique, je repasse toute ma journée dans ma tête. C’est très agréable. J’ai même repris d’anciens passe-temps: le crochet, le dessin, la lecture... Le fait de ne plus passer du temps sur mon téléphone le soir m’a permis de dégager beaucoup de temps. »

Chaque avantage a son inconvénient

Existe-t-il des inconvénients à ne pas avoir de smartphone? Onah: « Je suis une grande fan de musique, donc perdre Spotify a été le plus grand obstacle pour moi. Je fais même moins de sport parce que je n’ai plus cette application. Si j’avais un budget plus important, je pourrais me contenter d’un iPod. L’absence de Google Maps est également très ennuyeuse. Au début, c’était le chaos total lorsque je devais me rendre dans un endroit inconnu, mais maintenant je mémorise la route à l’avance. Tournez là, la 4e rue à droite.... C’est assez drôle et je m’améliore de plus en plus! Au pire, je demande mon chemin aux gens dans la rue.

Il n’est pas toujours évident de se passer d’un smartphone. Je dois parfois faire preuve de créativité. Ma famille me soutient, mais elle est embêtée que je n’aie plus Whatsapp. Elle m’envoie des captures d’écran de la discussion de groupe via Facebook Messenger, que je lis ensuite sur mon ordinateur portable (rires). Le bon appareil photo de mon iPhone me manque aussi. Je peux prendre des photos avec mon Nokia, mais je ne peux pas les transférer, donc ça ne sert à rien. C’est pourtant ce que j’aimais faire. Mais cet inconvénient pourrait être résolu facilement avec un appareil photo séparé.

S’il existait un téléphone portable doté uniquement d’applications de base comme l’appareil photo, Spotify et Google Maps, je l’achèterais immédiatement.

Je sais que je pourrais simplement bloquer les réseaux sociaux sur mon iPhone, mais ça ne me convient pas: je continuerai à y aller. En même temps, je trouve que je suis beaucoup plus dans l’instant présent quand je me rends quelque part. Lorsque je vais voir des expositions, que je vais à des concerts ou à des fêtes, je ne pense même plus à filmer ou à prendre des photos. Avant, je voulais les mettre sur ma Story Instagram et finalement, ça me trottait dans la tête pendant toute la durée de l’événement. Maintenant, je profite de ce pour quoi je suis venue: les gens et l’expérience. Je ne peux que vous le conseiller. »

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