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TÉMOIGNAGES: ces couples et célibataires racontent leurs nuits

La manière dont nous nous endormons, que ce soit en solo ou en couple, sort rarement des quatre murs de notre chambre. Ces couples et célibataires en coloc’ défont leur lit et nous confient leurs rituels et habitudes de nuits.

Elisabeth, 33 ans, et son mari Thibaut, 36 ans, dorment
séparément. Elle avec leur fils Igor, 1 an et demi, et lui avec leur fille Nala, 5 ans.

Elisabeth « Lorsque notre fille est née il y a cinq ans, nous pensions pouvoir la mettre dans son propre lit vers 6 mois. Mais comme j’allaitais, je trouvais très ­fatigant, la nuit, de la déplacer tout le temps. Nous avons donc décidé de la garder dans notre lit. Ces six mois se sont transformés en une année,
et cette année s’est, elle aussi, ­prolongée… On a tout essayé pour lui
apprendre à dormir dans sa chambre, mais comme c’était trop pénible, on a jeté l’éponge. Faire dormir Nala dans son propre lit était beaucoup plus ­fatigant que de la laisser dormir avec nous. Notre lit s’est ­avéré trop petit pour quatre personnes quand notre fils nous a rejoints il y a un an et demi. Thibaut avait mal au dos tous les matins. À un moment, nous nous sommes installés chez des amis pendant quelques mois et on a chacun dormi avec un enfant, séparément, et cette ­habitude est restée.

Souvent, Thibaut et moi débutons la nuit ensemble, au lit, avec Igor entre nous. Mais quand Nala commence à faire des cauchemars, elle vient nous ­réveiller et demande : « Papa, tu viens dans ma chambre avec moi? »

Si Thibaut est fatigué, il s’installe directement dans son lit pour le reste de la nuit, pour ne pas être réveillé plusieurs fois. Nous avons installé un lit double dans sa chambre. Et il y a aussi un lit ­supplémentaire dans la chambre d’amis. Si Thibaut et moi voulons un peu ­d’intimité, ou regarder une série ­ensemble, nous pouvons toujours nous y échapper. Même si, bien sûr, il y a d’autres endroits que la chambre à coucher où nous pouvons passer du bon temps ­ensemble (rires). Notre organisation en matière de ­sommeil n’est pas la plus romantique, et parfois assez ­difficile à ­gérer, mais ce serait encore pire si on n’agissait pas comme ça et si on ne dormait pas de la nuit. Chaque fois que je poste quelque chose à ce sujet sur Instagram, je reçois beaucoup de commentaires de personnes pour qui notre histoire est comparable, mais qui ont ­l’impression que le sujet du co-dodo est tabou. Dans un monde idéal, nos enfants dormiraient ensemble et notre lit nous appartiendrait à nouveau, mais je ne sais pas quand ce sera le cas. Ça me paraît encore très lointain. »

Laura Vleugels

L’année dernière, Noonah, 27 ans, s’est mise à dormir beaucoup plus que d’habitude, la Covid-19 l’empêchant d’exercer son métier de DJ. Depuis, elle a appris à écouter
son corps et dort plus souvent avec son amoureux.

Noonah « Mon cycle de sommeil, avant le ­confinement, était divisé en deux programmes : la semaine et le week-end. Ça ne m’a jamais dérangée de me lever tôt le matin et comme mon amoureux est ­enseignant, j’ai essayé de ­m’adapter à son rythme. Le week-end, je ne rentrais chez moi que vers 5 ou même parfois 7 h du ­matin, en fonction du nombre de soirées où je mixais. Du coup, je restais au lit le plus tard possible, sinon ma journée était fichue. Mon compagnon m’accompagnait souvent quand je devais jouer, ce qui fait qu’on quittait à peine le canapé le ­dimanche… En 2019, j’ai dû faire une pause d’un mois à cause de mes acouphènes. Ça s’est avéré un bon test pour le confinement. D’un coup, je passais mes journées à la maison, incapable d’exercer mon travail. Ça a rendu mon rythme de sommeil plus ­homogène entre la semaine et le week-end. Je n’avais pas grand-chose à faire, alors ­j’allais me coucher en même temps que mon homme la plupart du temps. Le ­confinement nous a permis de faire plus d’activités ­ensemble le week-end, parce qu’on avait ­l’énergie de se lever tôt.

J’ai appris à écouter davantage mon corps. Quand je suis fatiguée, je vais ­simplement me coucher, alors qu’avant, je buvais quelques Red Bull ou du café parce que je devais rester éveillée. Je luttais contre mon corps qui essayait de me dire qu’il était temps de se ­coucher.

Je ne veux pas comparer les DJ professionnels aux athlètes de haut niveau, mais pour nous aussi, c’est important de prendre soin de notre corps, car notre métier demande de ­l’énergie. Et si vous voulez être en bonne santé, vous devez écouter votre corps. Avec du recul, je sais que je ne l’ai pas assez fait. C’est comme ça que des maux ­apparaissent, comme des acouphènes ou des migraines à répétition. Je ne vais plus accepter de mixer dans trois endroits le même soir. Il va me falloir un certain temps pour trouver mon nouveau rythme. J’espère que mon corps ­comprendra sur quel mode il doit se mettre, à quel ­moment. Mais je suis bien reposée, alors j’ai hâte de me produire à nouveau ­devant un public. »

Laura Vleugels

Marie, 22 ans, et Jana, 21 ans, vivent dans des villes différentes. Comme elles préfèrent dormir ensemble le plus souvent possible, elles font la navette entre leurs deux chambres.

Jana « L’année passée, Marie a raconté son coming out dans un podcast. À la même époque, je découvrais aussi qui j’étais, et après avoir écouté le
podcast, je lui ai envoyé un message. Nous avons continué à discuter et avons finalement décidé de nous rencontrer. Notre relation est restée amicale pendant longtemps, jusqu’à ce qu’on s’embrasse pour la première fois en septembre. »
Marie « Depuis lors, on a passé beaucoup de temps ensemble, même si on a toutes les deux des vies assez chargées. Jana combine deux cursus avec un boulot dans une crèche et pratique aussi la danse plusieurs heures par semaine. De mon côté, j’ai pas mal de répétitions et de concerts avec mon groupe de musique. Du coup, ça ­m’arrive souvent de sauter dans un train à minuit. Ces ­rencontres inattendues sont toujours de belles surprises.

Une fois, après un concert, j’ai envoyé un message à Jana pour lui dire que j’étais triste de devoir dormir seule. Et quand je suis rentrée chez moi, à 2 h du matin, je l’ai ­trouvée devant ma porte, en train de m’attendre. »

Jana « Vous vous en doutez: le couvre-feu a été un véritable cauchemar pour nous (rires). Avant, ça ne me posait aucun problème de dormir seule, mais maintenant, ça m’ennuie vraiment. Au tout début, je pouvais même rester éveillée à cause de ça. Dormir ensemble a changé notre vie. Le lit que nous partageons n’est pas toujours le même, et la fréquence de nos retrouvailles dépend aussi de nos agendas. Mon colocataire ne comprend pas pourquoi je pars si tard pour revenir si tôt le lendemain. La SNCB gagne pas mal d’argent grâce à nous, c’est un fait. »
Marie « Je pense que nous dormons séparément au maximum deux nuits par semaine. »
Jana fait non de la tête.
Marie « Bon, d’accord, un soir par semaine (rires). Je pense que lorsqu’on se voit moins, on a aussi tendance à moins dépendre l’une de l’autre. Sans le confinement, on n’aurait sans doute pas pris ces habitudes. Les nuits passées ensemble vont sans doute diminuer, mais pour l’instant, on est dans la phase où on veut tout le temps se voir. »

Laura Vleugels

En avril, Charlotte Anne, 31 ans, a donné naissance à une petite fille. Parce que son travail est plus fluctuant que celui de son compagnon, Mathias, 32 ans, elle se lève toutes les nuits pour s’occuper de Max.

Charlotte Anne « Après avoir lu le livre Why we sleep du neuroscientifique Matthew Walker, Mathias et moi avons fait un pacte, il y a quelques années, pour parvenir à dormir au moins huit heures par nuit. On a réalisé à quel point c’est important de dormir assez et quel impact le sommeil a sur notre vie. Depuis l’arrivée de notre bébé, ce schéma a évidemment été bien bousculé (rires). Max était très ­petite à sa naissance et assez faible: elle ne savait pas bien boire toute seule. Du coup, il fallait qu’on la réveille toutes les trois heures pour manger. Comme j’allaite, je m’en ­occupe et je règle mon réveil toutes les trois heures, ­pendant que mon chéri reste endormi. On a ajouté un co-dodo à notre lit, ce qui me permet de faire ces tétées nocturnes très facilement, mais la moitié du temps, elle dort dans mes bras ou au milieu de nous dans le lit. Comme Mathias travaille à temps plein et qu’il a le ­sommeil difficile, je me lève souvent pour allaiter dans une autre pièce. Le fait que je m’occupe d’elle le soir est lié à notre travail, à nos ­horaires.

Si on travaillait tous les deux à plein temps, le partage ­serait différent. Mais j’ai un rythme très fluctuant et j’aime pouvoir assumer mes tâches de maman.

La seule chose que je demande à Mathias, c’est de ne pas se plaindre qu’il est fatigué, car c’est pire pour moi. En ce qui concerne notre vie sexuelle, il n’y a pas grand-chose à dire pour ­l’instant. Ce n’est de toute façon pas encore autorisé par le médecin. Mais on est curieux de savoir comment ça va se passer. On ne sait pas quand on aura l’énergie pour s’y remettre. Ni si ce sera bizarre, si Max est là. Récemment, on a pu s’endormir en se faisant des câlins pour la première fois depuis le retour de la maternité, car Max dormait bien. Petit à petit, on commence à se sentir comme le couple qu’on était avant. Un jour, j’espère retrouver mes cycles de sommeil de huit heures, mais ça n’est pas pour tout de suite. Si j’arrive à faire deux siestes de trois heures par nuit, plus une dans la journée, je me sens assez en forme. »

Laura Vleugels

Kelly, 27 ans, et Léonie, 27 ans, vivent en colocation et terminent toujours leur journée ensemble, dans la salle de bains. Elles ne dorment ensemble que dans des
circonstances très spéciales, et très occasionnellement par plaisir.

Kelly « Si j’avais vécu seule l’année dernière, pendant le confinement, je serais retournée vivre chez mes parents. Je n’aurais pas pu traverser ces longs mois, confinée sans Léonie. C’est cool d’avoir toujours quelqu’un à qui parler. Quand elle n’a pas pu dormir à la maison ­pendant un moment à cause de son travail, il y a quelques mois, ça m’a paru bizarre. Il y avait un silence de mort dans notre appartement. J’allais me coucher triste tous les soirs. »
Léonie « C’était la même chose pour moi. Comme nous n’avions pas le droit de sortir l’année dernière, on a passé beaucoup de soirées ensemble, dans le canapé, et on a construit une sorte de rituel selon lequel on se couchait toujours à la même heure. Si le matin, je préfère être seule dans la salle de bains pour me réveiller en douceur, le soir, c’est vraiment agréable d’y finir notre journée ensemble. »
Kelly « En tant qu’amies, on ne peut pas tout faire ­ensemble. Et même si je ne suis pas spécialement à la ­recherche d’une relation amoureuse pour l’instant, ce serait parfois bien de me réveiller à côté de quelqu’un. »

Léonie « Depuis le début du ­confinement, ça me manque de n’avoir personne à qui faire des ­câlins au lit ou à côté de qui ­m’allonger le soir.

Quand on est libres de sortir, on rencontre plein de gens, on se prend dans les bras. Ces marques d’affection ont été abandonnées… »
Kelly « Très occasionnellement, dans des circonstances particulières, on dort ensemble avec Léonie. Ça a commencé quand on a fêté le Nouvel an il y a quelques années et qu’on a partagé un lit avec deux autres copines. On a tellement ri que c’est devenu une tradition. Si on allait au festival Couleur Café ou même après une soirée, on dormait ensemble. Ce qui nous différencie le plus, c’est que j’adore papoter avant de m’endormir, alors que Léonie tombe de sommeil très vite. Alors je tente de la réveiller : ‘Tu ne vas pas déjà dormir quand même?’ »
Léonie « Peut-être qu’on devrait faire ça plus souvent! J’espère surtout qu’on pourra de nouveau faire la fête et partager nos retours de soirée bientôt. Et alors, promis, j’essaierai de rester éveillée plus longtemps. »

Laura Vleugels

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