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couple libre © Getty Images

À COEUR OUVERT: ““Nous sommes parents et en couple libre””

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

De plus en plus de (jeunes) couples optent pour une relation monogame ouverte. Mais comment le vivent-ils vraiment? Sophie, 26 ans et Levi, 33 ans*, qui attendent leur premier enfant, sont tous deux sexuellement hétéro-flexibles et expliquent ce que cela implique.

Levi « Il y a environ 5 ans, j’ai matché avec Sophie via Tinder. Lors de notre premier rendez-vous, nous sommes sortis dîner et en la revoyant à plusieurs reprises par la suite, j’ai rapidement réalisé que j’étais en train de tomber amoureux d’elle. »

Sophie « Il m’a fallu un peu plus de temps pour développer des sentiments pour lui, mais lorsque Levi m’a invité à Disneyland un mois après notre première rencontre, j’ai aussi commencé à ressentir des papillons dans le ventre. Je craquais particulièrement pour son sens de l’humour. »

L. « Je la trouvais tellement gentille, belle et douce. Et c’est toujours le cas (rires). Nous sommes aujourd’hui mariés depuis un an et entretenons une relation libre depuis un moment. Avant que Sophie et moi ne soyons en couple, je ne me voyais pas vraiment vivre à nouveau une relation monogame… Mais je n’avais jamais osé prendre vraiment en compte ce sentiment. Et puis, après un an passé ensemble, j’ai osé exprimer ma vision différente du couple et lui expliquer que pour moi l’intimité et la sexualité ne doivent pas nécessairement être exclusives. Sans plus tourner autour du pot, je lui ai demandé ce qu’elle pensait de l’idée d’un trio. Et au départ, Sophie n’était pas franchement fan du principe. »

S. « Je n’ai pas été totalement surprise, même si ma première réaction a été de dire à Levi qu’il ferait mieux de se sortir ce plan de la tête. Je n’avais encore jamais envisagé autre chose que la monogamie et je n’arrivais pas à m’imaginer impliquer quelqu’un d’extérieur dans ma relation. Mais une fois passé le choc initial, j’ai décidé d’élargir mon horizon. Je me disais qu’il fallait bien un début à tout et que si je n’aimais pas la découverte, ce serait une première et dernière fois. Et j’ai posé une condition: que le 3e participant soit un homme. »

L. « Peu importait pour moi le sexe de la personne. À mes yeux, c’était principalement une question d’expérience. Lorsque Sophie a dit oui, j’ai commencé à chercher le candidat approprié. Et qui cherche trouve puisqu’à un moment donné, j’avais le choix entre les options A,B et C. »

S.« J’en ai sélectionné un parmi les trois. Cela a été une expérience inconfortable mais fun. Ce qui, contre toute attente, m’a rendue curieuse et donné envie d’aller plus loin. »

L. « Les deux fois suivantes, nous avons testé à nouveau avec un homme. Puis ça a été un couple. C’était la première fois que Sophie et moi nous voyons vraiment avec quelqu’un d’autre. La question était de savoir comment nous réagirions en nous découvrant en pleine intimité avec quelqu’un d’autre. Ce serait décisif pour la suite. »

S. « Heureusement, ils avaient bien plus d’expérience que nous et nous ont pris sous leur aile. Ils nous demandaient si ça allait, si nous étions toujours à l’aise avec ce qui était en train de se passer. Cette approche nous a mis en confiance et nous l’avons ensuite retenue et appliquée lorsque nous avons fréquenté d’autres personnes qui vivaient avec nous leur première expérience du genre. »

Ne pas franchir les limites

L. « Au début, nous recherchions tous deux des couples ou des personnes seules, qui aimeraient se joindre à nous. Mais il est arrivé un moment où Sophie était en contact depuis un an avec un autre homme rencontré via Feeld (une app’ de rencontres en ligne destinée aux personnes intéressées par les relations occasionnelles, le polyamour et ou l’échangisme ndlr). Et je considérais dangereux à l’époque de le laisser participer à nos ébats. La frontière était devenue trop fine et j’estimais que ce ne serait pas une bonne idée. Mais, au bout de 2 ans, alors qu’ils se parlaient toujours, j’ai initié une rencontre entre eux, sans moi. Je trouvais très excitant de l’annoncer à Sophie et elle l’était tout autant de l’apprendre. »

S. « Lorsque Levi m’a fait cette proposition, je ne me suis pas précipitée naturellement. Je ne pouvais m’empêcher de me demander ce qui se passerait si en le rencontrant, je le trouvais plus que juste attirant. Ou si après avoir eu des rapports sexuels avec lui, je commençais à ressentir des sentiments. Je ne voulais absolument pas en arriver là. Cela comportait des risques et c’est pourquoi je me suis résolue à couper directement les ponts avec lui si j’avais le moindre doute. Et puis, quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai compris directement qu’il s’agissait de désir et rien de plus. »

L. « Ils ont fini par perdre contact, ce qui est dommage lorsque l’on parle avec quelqu’un pendant plus de 2 ans. »

S. « Oui c’est vrai, mais en même temps c’était une expérience intéressante et l’occasion de savoir si j’étais prête à réaliser des rencontres toute seule. À mes yeux, cela augmente le risque que surgisse autre chose qu’une simple attraction. Il faut être capable de faire aveuglément confiance à son partenaire, mais aussi de rompre une relation avant que les sentiments entrent en jeu. Et il vous faut être totalement honnête avec vous-même et oser vous avouer si vous craignez que cela ne dégénère. Surtout que l’interdit est toujours plus excitant que la liberté. Les gens qui ont une liaison, sont généralement ceux qui finissent par tomber amoureux de leur amant·e. Tandis que nous savons tous les deux quand et à quelle fréquence l’autre rencontre un partenaire. »

L. « Sophie et moi nous nous envoyons toujours notre localisation en direct, afin de pouvoir suivre les déplacements de l’autre de près. Même si nous sommes dans une relation ouverte, elle s’accompagne d’accords mutuels clairs. Leur liste n’est pas interminable mais la règle d’or est par exemple de toujours avoir des relations sexuelles protégées. Faire l’amour sans préservatif n’est pas une option, en dehors de nos rapports ensemble. »

Même si nous sommes dans une relation ouverte, elle s’accompagne d’accords mutuels clairs. Leur liste n’est pas interminable mais la règle d’or est par exemple de toujours avoir des relations sexuelles protégées.

S. « Ne pas rester dormir chez quelqu’un d’autre en fait aussi partie, mais cette directive là n’est pas toujours appliquée. »

L. « C’est une règle fixe, mais si l’un de nous ou notre partenaire du moment a trop bu, il serait irresponsable de prendre le volant. Lorsque nous savons qu’il y a une chance qu’une telle situation se produise, nous faisons une exception et veillons à ce que l’autre puisse avoir un rendez-vous similaire en même temps. Sophie à la maison par exemple et moi à l’hôtel. Un autre deal que nous avons est que celui qui a des ébats chez nous doit ensuite changer les draps. C’est pour ça que je préfère clairement aller à l’hôtel! (rires). »

Une orgie dans le grenier

L. « Bien que dans une relation ouverte on accorde explicitement à son partenaire la liberté d’avoir des relations sexuelles avec d’autres, il y a bien sûr une pointe de jalousie. Je suis d’un naturel plus jaloux que Sophie. Et je ne sais pas comment réagir lorsqu’elle rentre d’un date. Je remarque que dans ces moments-là, j’ai du mal à me comporter de façon naturelle. C’est pourquoi je préfère être en train de dormir à son retour.»

S. « Parfois nous nous demandons comment c’était. À d’autres moments nous nous sentons plus à l’aise en ne sachant rien du tout ou en en parlant seulement une semaine plus tard. »

L.: « Cela peut paraître très étrange, mais de temps en temps, nous avons besoin de digérer les évènements et de les laisser retomber. Sophie rencontre moins souvent des gens toute seule que moi, donc elle comprend peut-être d’autant mieux cette idée. »

S. « Depuis que je suis enceinte, ma libido est en chute libre et les rendez-vous sont donc mis en veilleuse de mon côté. Ma grossesse passe encore inaperçue mais je n’ai aucune idée de ce que je ressentirai une fois que je commencerai à avoir un gros ventre. Je ne dirais pas que je m’y suis habituée, mais je ne vois aucun mal à ce que Levi continue à fréquenter d’autres personnes. Et dès qu’il franchi à nouveau la porte, nous reprenons là où nous nous étions quittés. »

L. « Comme dans toute relation, la communication est essentielle. Nous mentirions si nous disions qu’il n’y a pas parfois des tensions, mais il s’agit d’être franc, de jouer carte sur table et de ne pas laisser s’accumuler les frustrations jusqu’à ce que cela explose. Et nous nous montrons aussi sincères que possible y compris avec notre entourage. Presque tout le monde est au courant que nous sommes un couple libre. Nous n’avons pas honte de qui nous sommes, même si certaines personnes ne comprendront jamais notre fonctionnement, comme mon père et ma sœur. Ils ont des préjugés et préfèrent encore ne rien savoir du tout. Ils ne se posent même pas la question essentielle à tout cela, à savoir qu’est-ce que cela nous apporte. »

S. « Je préfère également garder cette partie de notre vie cachée à ma famille, car ils ont une vision différente des relations, de la nôtre. Mes parents sont croyants et j’ai été élevée avec une éducation chrétienne. Avant de rencontrer Levi, j’allais à l’église avec eux tous les dimanches. Je ne pense pas qu’ils me déshériteraient s’ils apprenaient la vérité. Quoique… Ils n’étaient déjà pas ravi à l’époque, lorsque Levi et moi avons emménagé ensemble après six mois, alors que nous n’étions ni fiancés ni mariés. »

L. « Certains de nos proches ne s’étonnent plus lorsque je dis que nous avons fait une orgie dans le grenier le week-end dernier, en compagnie de 14 personnes, tandis que d’autres haussent encore parfois un sourcil. Surtout maintenant que nous nous apprêtons à devenir parents dans quelques mois. Les gens se demandent de plus en plus si notre relation redeviendra exclusive. Quand je leur demande pourquoi ils estiment que ce serait nécessaire, ils disent que sinon ce serait triste pour notre enfant. Mais en quoi notre relation ouverte pourrait gêner notre bébé? »

S. « On me rétorque souvent que il ou elle risque d’être plus tard victime de harcèlement, à cause de la vie que nous menons. Les gens se prennent parfois des délires et imaginent que notre maison est constamment remplie d’individus avec qui nous avons des relations sexuelles et que notre enfant sera au premier rang pour y assister. Mais rien ne saurait être plus faux. Même si nous devrons davantage planifier nos rencontres. »

Casser les habitudes

L. « Lorsque nous nous sommes mis en couple, Sophie n’avait que 21 ans. Si elle atteignait les 80 ans et que nous soyons restés tout ce temps dans une relation “classique”, cela signifierait qu’elle n’aurait connu d’autre homme que moi pendant près de 60 ans. Je trouverais ça très triste pour elle. En fin de compte, quand on est ensemble depuis longtemps, comme nous, les relations sexuelles avec l’autre deviennent une sorte d’habitude. Ne vous méprenez pas, je trouve toujours cela très agréable, mais on ne réinvente pas l’eau chaude. Lorsque la main d’un étranger se glisse dans votre pantalon, il y a toujours un frisson particulier. Alors que si Sophie agit de la même manière, je ne ressens pas une telle excitation. Ce n’est absolument pas sa faute, c’est juste comme ça. Après 5 rendez-vous avec une autre personne, cette sensation fini aussi par disparaître. Mais pouvoir revivre ces instants électrisants est diablement bon, même si cela n’enlève rien à mon amour pour elle. Nous sommes et resterons la maison, le socle de l’autre. »

S. « Je ne sais pas où nous en serions si nous étions restés monogames. En toute honnêteté je pense que Levi et moi serions aujourd’hui séparés si je n’avais pas accepté d’explorer notre sexualité. C’est dur à avouer, mais il avait des besoins différents des miens à l’époque. Et il m’a fallu apprendre et évoluer dans ce domaine, car au début j’étais parfois si nerveuse et mal à l’aise car je n’étais pas du tout excitée à cette idée. Désormais, c’est très différent et je n’abandonnerais pas cette liberté dont nous disposons. Cela n’a pas détérioré du tout notre relation. Nous avons au contraire appris beaucoup sur l’autre et plus encore sur nous-mêmes. »

L. « Je suis totalement d’accord. C’est beau de découvrir la façon dont on réagit face à certaines situations. Et pour nous, être un couple libre a juste ajouté un élément à notre relation. Ces dernières années, nous avons parcouru un long chemin, de l’idée initiale d’un trio à la relation libre que nous avons aujourd’hui. Mais il n’y a, je pense, par contre aucune chance que nous en adoptions un jour une forme comme le polyamour. Je ne peux pas vivre avec plus de femmes. Il y a déjà suffisamment de cheveux qui restent dans ma douche (rires). »

S. « C’est exactement ce qui m’empêche d’être jalouse, le fait de savoir que les sentiments ne sont présents qu’entre nous. Si Levi devait s’attacher à quelqu’un d’autre et tomber amoureux, alors j’estimerais que cela va très mal entre nous. »

L. « Si vous êtes trois et que chacun aime les deux autres, c’est bien sûr différent. Ce n’est pas la même chose non plus d’avoir une vraie histoire avec une autre personne, à côté de son couple. Quoi qu’il en soit, je suis vraiment fier que Sophie et moi puissions vivre tout cela ensemble et que notre amour soit assez fort pour une relation ouverte. »

*Sophie et Levi sont des pseudonymes.

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