BABYSTORY: ““J’ai fait un déni de grossesse à 17 ans””
Alors qu’elle rend visite à son médecin de famille parce qu’elle a contracté la varicelle, Susana apprend, à seulement 17 ans, qu’elle fait un déni de grossesse et qu’elle est enceinte de presque 5 mois.
“J’ai rencontré mon compagnon, Emanuel, à 16 ans, dans un bar. A l’époque, nous ne nous étions pas encore installés en Belgique et vivions tous les 2 au Portugal, le pays d’où nous sommes originaires. J’ai eu le coup de foudre. Il était l’homme de mes rêves mais, malheureusement, il était déjà pris. J’ai réussi à obtenir son numéro et je lui ai tout de même écrit pour lui dire que j’étais persuadée que nous étions faits l’un pour l’autre. Quelques semaines plus tard, il quittait sa petite amie et nous avons commencé à discuter pour finalement nous mettre ensemble. Après plusieurs mois de relation, nous avons eu nos premiers rapports sexuels. Je ne suis pas proche de ma mère et personne n’a jamais pris le temps de me parler de sexualité. Même quand j’ai eu mes règles pour la première fois, j’ai dû me débrouiller seule. Lors de nos relations intimes, nous utilisions des préservatifs et pratiquions le retrait. J’avais des règles régulières et même plutôt abondantes. Nous étions ensemble depuis 1 an quand j’ai contracté la varicelle.”
La révélation
“Voyant des petits boutons apparaître sur mon corps, Emanuel m’a emmenée chez mon médecin de famille. J’ai profité de ce rendez-vous pour lui parler de ma vie sexuelle et elle m’a proposé de faire une prise de sang et un test urinaire par mesure de précaution. En analysant rapidement mes urines, mon médecin a découvert que j’avais un taux hCG (l’hormone de grossesse, Ndlr) élevé. Sans m’en dire plus, elle a appelé une ambulance qui m’a conduit aux urgences. Ce que je ne savais pas à ce moment-là, c’est que la varicelle peut être dangereuse pour la femme enceinte et le fœtus. A l’hôpital, on m’a fait une échographie et on m’a annoncé que j’étais enceinte de pratiquement 5 mois. J’étais sous le choc. Je n’avais aucune idée de ce qu’était un déni de grossesse. Personne ne m’a rien expliqué. On m’a dit que j’attendais un petit garçon mais, franchement, dans cet état, le sexe de mon enfant avait finalement peu d’importance. J’étais terrifiée. Mon cerveau s’est mis sur pause. Heureusement, à ce stade de la grossesse, la varicelle n’était plus dangereuse ni pour moi, ni pour le bébé.”
Les réactions de l’entourage
“J’ai immédiatement expliqué ce qui se passait à Emanuel qui a extrêmement bien réagi. Il a eu des mots rassurants. A l’époque, il terminait ses études. Moi, je travaillais dans la restauration pour aider mes parents qui n’avaient pas les moyens de payer ma scolarisation. Emanuel a proposé qu’on prenne un appartement tous les 2 et qu’on se mette à travailler au sein de l’entreprise de ses parents. Même si nous n’avions plus le choix à ce stade de la grossesse, nous n’avons pas pensé un seul instant à l’éventualité de l’interrompre. J’ai annoncé la nouvelle à mes parents qui ont assez mal réagi. Mon père disait que ça n’existait pas le déni de grossesse, que je leur avais menti parce que je n’osais pas leur dire de la vérité. Tous mes amis se sont volatilisés dans la nature. A 17 ans, personne n’avait envie d’avoir une copine enceinte. Ca a été très dur moi. Heureusement, j’ai trouvé du réconfort auprès de mes beaux-parents qui nous ont d’emblée assuré qu’ils seraient là pour nous aider. Ma belle-mère a tenu ce rôle de maman. Elle m’accompagnait aux échographies, à mes rendez-vous médicaux. Car, après avoir découvert que j’étais enceinte, j’ai dû enchaîner les visites chez la gynécologue, ma grossesse étant considérée comme à risques. Mon bébé était tout petit, comme c’est souvent le cas lors d’un déni de grossesse, car l’enfant se cache dans le ventre de la maman.”
Le rapport au corps
“Il aura fallu une semaine à peine après l’annonce de ma grossesse pour que mon ventre commence à s’arrondir alors que j’avais jusque là le ventre tout plat. J’étais énorme et je détestais ça. A 17 ans, je n’avais pas envie d’avoir un ventre rond. Mon rapport à mon corps a changé à tout jamais. Je n’ai jamais réussi à m’accepter depuis. Comme si je n’avais toujours pas fait le deuil de ce qui m’était arrivé.”
Le décollement placentaire
“Un peu moins de 2 mois après l’annonce de ma grossesse, je me suis mise à perdre énormément de sang. J’ai foncé à l’hôpital où on m’a diagnostiqué un décollement du placenta. On m’a annoncé que je devrais rester alitée et hospitalisée le plus longtemps possible pour éviter toute complication. Nouveau coup dur. Je me sentais triste et très seule même si ma belle-mère et Emanuel me rendaient visite tous les jours. Après quelques jours d’hospitalisation, j’ai commencé à ressentir des douleurs abdominales très fortes mais j’ai pris sur moi. Je ne voulais pas en parler aux infirmières car j’ai la phobie des aiguilles et j’avais peur qu’elles me piquent ou me mettent une perfusion. Au bout de 3 jours, je n’en pouvais plus et je leur ai parlé de la douleur que je ressentais. On m’a fait un monitoring et on a découvert que mon fils était en détresse respiratoire. Le cordon ombilical était enroulé autour de son cou. J’étais à 7 mois de grossesse et on m’a annoncé que j’allais devoir subir une césarienne d’urgence.”
L’accouchement
“Je n’avais pas peur. Après tout ce temps passé à l’hôpital, l’accouchement allait enfin me délivrer. Quand Pedro est né, je n’ai pu le voir que quelques secondes avant qu’on l’emmène en néonat’. J’avais peur de ne pas l’aimer à cause du contexte de la grossesse mais dès que je l’ai vu je suis tombée sous le charme. Et, je pense, au contraire, que ce nous avons vécu a renforcé notre lien, notre complicité.”
La néonatologie
“Tout a été si rapide que j’ai dû annoncer à Emanuel qu’il était devenu papa par téléphone. Il nous a rejoints le plus rapidement possible et a passé du temps avec Pedro en néonat’ pendant que je me remettais de ma césarienne. Le lendemain de l’accouchement, j’ai pu revoir Pedro. Il était si petit. Il ne pesait qu’1 kilo. Au bout de 5 jours, je quittais l’hôpital sans mon bébé dans les bras. J’étais anéantie et j’ai fait une dépression post-partum. A l’époque – nous étions au début des années 2000 -, les mères de bébés prématurés n’étaient pas autorisées à dormir à l’hôpital mais je passais toutes mes journées à ses côtés. Comme Pedro respirait de façon autonome et qu’il a rapidement pris du poids, nous avons pu rentrer avec lui au bout de 20 jours. Je mentirais en disant que nos débuts ont été faciles. C’était un tout petit bébé, j’étais très stressée mais j’avais cet instinct maternel.”
L’après
“Dès qu’il a été en âge de comprendre, nous avons expliqué sa naissance à Pedro, nous lui avons montré des photos. Plus tard, quand il a commencé l’école, on s’est parfois moqué de lui parce qu’on se demandait pourquoi sa grande sœur venait le chercher et pas sa maman. Il n’aimait pas que je vienne le récupérer à la sortie des cours (rires). Aujourd’hui, il a 20 ans, j’en ai 38, et il est content d’avoir une maman jeune, toujours un peu fofolle.”
La deuxième grossesse
“Après Pedro, j’étais sûre de ne plus vouloir d’enfant. J’étais paniquée à l’idée de retomber enceinte. A tel point que j’ai fait des tests de grossesse quasiment toutes les semaines pendant des années! J’en faisais des cauchemars. Et, quand j’ai réalisé à quel point j’étais fertile, j’ai rapidement pris un moyen de contraception. J’ai aussi arrêté de boire de l’alcool, de peur que ça atténue l’efficacité de ma pilule. Et puis, à l’âge de 28 ans, je me suis posée la question d’avoir un deuxième enfant. Pedro avait 11 ans et rêvait d’avoir une petite sœur. Emanuel a voulu s’assurer que j’étais vraiment prête car il savait à quel point ma première grossesse avait été un traumatisme. Nous avons franchi le cap et je suis rapidement tombée enceinte. Malgré tout, je n’ai pas réussi à profiter de ma grossesse avant le 5e mois. Je craignais à nouveau le pire. Pourtant, tout s’est passé à merveille. Nous avons programmé l’accouchement par césarienne à 38 SA car j’avais le bassin trop étroit que pour accoucher par voie basse. J’étais ravie car j’avais très bien vécu la césarienne la première fois. Diana est née et elle a comme conjuré le sort. J’ai eu ma grossesse ‘normale’, comme j’aime l’appeler, et je suis sûre aujourd’hui de ne plus vouloir tomber enceinte. Cette deuxième grossesse a guéri mon cœur.”
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