BABYSTORY: ““Mon fils est atteint du syndrome de Prader-Willi““
Du désir d’enfant à la maternité, mettre un petit être au monde peut parfois s’apparenter à des montagnes russes. En mars 2017, Laura a donné naissance à son fils Louis, né avec le syndrome de Prader-Willi. Rencontre avec cette maman au courage qui force le respect et l’admiration.
Laura a 35 ans, habite à Rhode-Saint-Genèse et est graphiste. Le 17 mars 2017, elle et son ex-compagnon donnent naissance à un petit garçon, Louis. Très vite, ils se rendent compte qu’il y a un problème. Une batterie d’examens médicaux et un test génétique plus tard, le diagnostic tombe: Louis souffre du syndrome de Prader-Willi, une maladie génétique rare caractérisée entre autres par une hypotonie sévère, une hyperphagie et des troubles de l’apprentissage et du comportement.
Tomber enceinte
“Après trois années de relation avec mon copain de l’époque, on a décidé d’avoir un enfant. Mais les choses n’ont pas été aussi faciles que je l’aurais espéré. Je prenais la pilule depuis longtemps et quand je l’ai arrêtée, on m’a diagnostiquée des ovaires micropolykystiques (SOPK) et que je ne saurais pas tomber enceinte naturellement ou que je devrais probablement passer par la PMA.“
Finalement, j’ai pris le temps de prendre soin de moi, j’ai retrouvé mes règles et c’est au bout d’un an que je suis tombée enceinte, au moment où j’ai lâché prise et que je ne m’y attendais plus.
Une grossesse sans encombres
“Ma grossesse s’est déroulée tout à fait normalement. Les examens étaient bons, les échographies aussi. Rien ne laissait présager un quelconque problème. Enfin… Il y a tout de même eu quelques éléments qui auraient pu nous alerter comme le fait que mon fils est toujours resté en siège, qu’il ne bougeait pas beaucoup (mais c’était ma première grossesse, je n’avais pas de points de comparaison) et que durant les derniers mois de grossesse, il n’a pas pris de poids.“
Une naissance chamboulée
“Mon fils se présentant en siège, mon gynécologue a décidé de programmer une césarienne le 17 mars 2017. J’ai vécu cette césarienne comme une opération, j’ai trouvé que tout ça a manqué de magie et je me suis sentie très seule… Le papa de Louis a pu rentrer dans la salle d’opération seulement deux minutes avant qu’on m’ouvre.“
Quand Louis est sorti, il n’a pas pleuré, il avait des difficultés à respirer. L’équipe médicale a tout de suite vu que quelque chose n’allait pas. Louis a été emmené avec son papa. Je suis restée seule, sans rien savoir.
“Il a fallu plusieurs heures avant que je puisse remonter dans ma chambre. Durant cette attente, j’ai eu comme une intuition, j’ai senti qu’il y avait un problème. Lorsque j’ai enfin pu rencontrer mon fils, on l’a posé sur moi, en peau à peau, mais il ne bougeait pas, ne pleurait pas. Tout le monde savait qu’il y avait un problème, mais tant qu’on n’avait pas les résultats, on ne pouvait pas poser de diagnostic. On a rencontré des psychologues afin qu’ils nous préparent à ce que notre enfant soit différent. Avant que le diagnostic ne soit vraiment posé, son papa et moi nous sommes mis dans une sorte bulle. On était là, dans cette chambre d’hôpital, dans l’attente, à ne pas savoir… Les problèmes n’étaient pas encore vraiment là. On était dans le déni, on espérait que ça change. Durant les premières semaines de vie de Louis, nous sommes restés à l’hôpital car il était nourri par sonde et était branché pour pouvoir bien respirer. “
Durant son séjour, Louis a subi toute une batterie d’examens classiques. Les résultats du test génétique sont tombés quatre semaines plus tard.
Le choc du diagnostic
“La cheffe de service nous a pris dans une pièce à part. Sans prendre de pincettes, elle nous a annoncé que notre fils avait le syndrome Prader-Willi et nous a expliqué tout ce que cela impliquait.“
Cette nouvelle, je l’ai prise comme une énorme gifle. Je me suis effondrée.
“Les médecins ne veulent pas nous faire espérer, ils annoncent le pire qui pourrait arriver. On nous dit qu’il n’aura jamais une vie comme les autres enfants, qu’il ne pourra pas aller à l’école, qu’il aura un retard mental, qu’il ne marchera pas correctement, qu’il ne sentira jamais la satiété, qu’il risque de mourir d’obésité…“
Le retour à la maison
“Nous sommes sortis de l’hôpital au bout de six semaines. Nous avons décidé d’aller vivre un moment chez mes parents. Tous nos plans ont été chamboulés, on n’a pas pu mettre Louis à la crèche initialement prévue. Il a été accueilli à la crèche Les lucioles à Lasne, une crèche qui dispose d’une unité de soins adaptée aux enfants avec des handicaps qui peuvent évoluer avec d’autres enfants. Alors qu’on habitait à Uccle, on a dû déménager à Waterloo.“
Vivre avec la maladie
“Avant la naissance de Louis, je n’avais jamais entendu parler de cette maladie. Encore aujourd’hui, avec le recul, je ne pense pas avoir digéré. Dès le début, on nous a conseillé de ne pas se projeter et de vivre mois après mois. Le syndrome de Prader-Willi est assez récent, il y a encore peu d’adultes avec ce syndrome. Nous sommes en contact avec une association, nous avons rencontré assez vite d’autres parents et d’autres enfants touchés. En parler avec d’autres parents, c’est rassurant de voir qu’ils ont toujours une vie, que les enfants vont bien. Certes, les choses sont différentes, mais il y a une vie quand même. Notre couple n’a pas résisté. Je pense qu’on avait déjà des problèmes mais que ce genre d’événement accélère les choses. Désormais, on fait une semaine sur deux avec le papa.“
Les symptômes du syndrome de Prader-Willi
“Louis a de la ‘chance’ dans son syndrome, car il est moins touché que la plupart des autres enfants que j’ai pu rencontrer. Pour le moment, sa vie est comme les autres enfants sauf qu’il a énormément de séances de kiné afin de le stimuler au niveau de la mobilité et de la psychomotricité. Pour lui, tout est très fatigant, comme le simple fait de monter les escaliers.“
L’hypotonie (diminution du tonus musculaire ndlr) implique également des problèmes de logopédie. Louis a également un problème de croissance, tous les jours je dois le piquer avec une hormone de croissance. Il est en hypothyroïdie, il a subi beaucoup d’opérations depuis sa naissance et a été hospitalisé pour des pneumonies à de nombreuses reprises. Louis a marché avant 18 mois alors que la majorité des enfants atteints ne marche pas avant trois ans. Un des principaux syndromes est qu’il ne ressent pas la satiété (il pourrait manger sans s’arrêter) et que son métabolisme est très lent. Il faut tout contrôler, tout le temps. Il est en régime hypocalorique depuis qu’il est né. Je dois tout cuisiner moi-même, gérer les quantités.
“Ce n’est que très récemment que j’ose le prendre avec moi pour faire les courses au supermarché. C’est difficile car tous les jours il est confronté à des enfants qui peuvent manger ce qu’ils veulent. Louis ne peut pas boire de jus de fruits, ne peut pas manger de biscuits, de bonbons… Il a mangé une glace pour la première fois il y a deux mois, il n’en n’avait jamais mangé de sa vie. Pour Halloween, on est allés frapper aux portes. Il a reçu plein de bonbons et de chocolats alors qu’il savait qu’il ne pourrait pas les manger. Il les a donnés. Je trouve ça incroyable comme il arrive à se gérer. Louis a été épargné au niveau du retard mental. Pour l’instant, il n’y en a aucun. Il a d’ailleurs passé un test QI et il est au-dessus de la moyenne. Il arrive à suivre à l’école, il compte même jusqu’à cent alors qu’il n’a même pas six ans (rires). Le syndrome de Louis fonctionne par phases. On rentre dans une phase où l’on va devoir prendre soin de sa partie émotionnelle et psychologique. Au niveau de la gestion de ses émotions, on nous a dit de le considérer comme un enfant autiste, même s’il ne l’est pas. Louis a un problème au niveau de l’hypothalamus, pour lui, tout est blanc ou tout est noir.“
Notre vie, ce sont des rendez-vous. Après l’école, au lieu de jouer avec mon enfant, je dois aller chez le médecin, chez la kiné, la logopède… La vie c’est école, médecin, manger, bain, dodo.
“On a peu de temps libre, surtout moi. Je commence à pouvoir vivre avec, même s’il y a cet inconnu. Mais j’ai confiance en mon fils. Il porte d’ailleurs bien son prénom… On a appris plus tard que Louis signifie ‘glorieux combattant’.“
La vie continue
“La plus grosse difficulté, c’est de ne pas avoir assez de temps pour prendre soin de moi. J’ai peur de craquer. Je pense que ça pourrait être pire et que ça pourrait être mieux. Il y a un gros traumatisme, je n’ai pas encore digéré ce par quoi j’ai dû passer. Même si ça fait déjà cinq ans, les premiers mois, premières années ont été très difficiles. Il m’est arrivé de craquer. Je me suis mise en arrêt de travail pendant trois mois. À mon retour, on m’a en quelques sortes poussée vers la sortie… J’ai appris par la suite que pour la direction, une employée qui est maman d’un enfant handicapé n’avait pas sa place dans l’entreprise.“
Mais j’ai rebondi. La vie est bien faite. Je suis en couple avec Julien depuis presque trois ans. Il a une petite fille de quatre ans et demi, Eva. On vient d’acheter une maison, tout se passe bien. On arrive à trouver un bon rythme, les enfants s’entendent très bien. La vie continue.
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