Laura, violée: ““Les professionnels de la santé ne sont pas sensibilisés aux violences sexuelles””
Elles ont connu l’effroi dans des villes différentes, à des moments et à des âges différents, mais Laura, Céline, Eva et Virginie subissent encore des violences, longtemps après leur agression sexuelle. Médecins, centres d’aide, police, justice, elles se sont heurtées et se heurtent encore quotidiennement à des murs.
Enfin, après les témoignages de Céline, Virginie et Eva, voici celui de Laura, 35 ans. Il y a trois ans, elle a quitté Paris pour s’installer et travailler en Bretagne. Avant de déménager, elle a sympathisé avec un homme rencontré en ligne. Il est devenu très important pour elle, jusqu’à ce qu’elle décèle des incohérences dans son discours. Elle a décidé de prendre ses distances, mais lui voulait la revoir. Il a insisté, menaçant de mettre fin à ses jours. Elle a cédé, et il est venu chez elle.
“Je me suis sentie piégée. Il m’a demandé un câlin et ne m’a pas lâchée.” Malgré ses multiples refus, l’homme est passé à l’acte. Laura a été abusée sexuellement durant deux longues heures. Il s’en est ensuite allé, laissant la jeune femme dans un état de sidération totale. Pour elle, rien de tout cela n’était possible ou réel. Et pourtant… “J’ai mis du temps avant de comprendre.”
Je n’ai pas voulu porter plainte. Beaucoup s’en sont étonné. Mais c’est le choix de la victime, mon choix, pas celui des intervenants.
Son viol, minimisé par les professionnels
Pour des raisons qui lui sont propres, Laura n’a pas souhaité porter plainte contre son agresseur. Nombre de praticiens s’en sont étonnés, l’incitant à le faire. “C’est le choix de la victime, mon choix, pas celui des intervenants”, martèle-t-elle. Certains de ses interlocuteurs ont minimisé les faits, arguant que son viol “n’avait duré que deux heures de sa vie”, autant dire “rien” comparé aux violences conjugales. Une aberration pour Laura. “Ils ont mis en opposition deux types de violences, comme si elles étaient parfaitement identiques, mais ce n’est pas du tout ce qu’il y a à faire!”.
Souvent, le choc, c’est que les professionnels de la santé que je contacte ne sont pas sensibilisés aux violences sexuelles.
Les séquelles physiques
Toute comme les trois femmes que nous avons rencontrées précédemment, le parcours de reconstruction de Laura n’est pas facile. Après son viol, elle a souffert de séquelles physiques, avec un bassin déplacé qui lui a valu de nombreuses séances d’ostéopathie et de kinésithérapie, ainsi que des problèmes gynécologiques.
Elle souffre encore aujourd’hui de problèmes de peau, de digestion, de troubles du comportement alimentaire (TCA). On lui a, en outre, diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique. Pour se reconstruire physiquement et psychologiquement, Laura a frappé à plusieurs portes, sans trouver le·la bon·ne interlocuteur·rice. “Souvent, le choc, c’est que les professionnels de la santé que je contacte ne sont pas sensibilisés aux violences sexuelles”, explique la jeune femme.
Aucun jour ne passe sans que je repense à ce moment. J’ai peur qu’un jour, il revienne me voir.
Enfermée là où elle a été violée
Laura aimerait aller mieux, mais trois ans après les faits, elle vit encore dans l’appartement dans lequel elle a été abusée sexuellement. “Aucun jour ne passe sans que je repense à ce moment. J’ai peur qu’un jour, il revienne me voir”, confie-t-elle. Mais Laura n’a pas assez d’argent, ni de garant (pour certains propriétaires français, il s’agit d’une condition indispensable pour louer un logement, ndlr). Elle a fait une demande d’aide sociale, mais n’est pas prioritaire aux yeux des bailleurs sociaux, “car je n’ai pas d’ordonnance de protection”. Elle doit attendre, et son quotidien lui est très pénible.
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