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Interview Céline
© Sarah Moran Garcia

““Un meurtre psychique””: victime de viol, Céline en subit encore les conséquences

Sarah Moran Garcia
Sarah Moran Garcia Journaliste web

Elles ont connu l’effroi dans des villes différentes, à des moments et à des âges différents, mais Laura, Céline, Eva et Virginie subissent encore des violences, longtemps après leur agression sexuelle. Médecins, centres d’aide, police, justice, elles se sont heurtées et se heurtent encore quotidiennement à des murs.

Aujourd’hui, nous rencontrons Céline, 31 ans. Alors qu’elle fêtait son anniversaire, elle a été violée par un ami proche et le copain de ce dernier. Cela s’est passé dans une chambre d’hôtel, le tout a été filmé par l’un des deux garçons. La vidéo a circulé dans leur cercle d’amis et dans le bar qu’ils fréquentaient. “Une pratique courante parmi les employés”, commente-t-elle. Le bar en question a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs dénonciations sur la page Instagram “Balance ton bar Liège“.

Céline a mis du temps à comprendre qu’elle avait été violée. Une amie a d’abord minimisé les faits, “renforçant le sentiment de culpabilité que je ressentais”. Sa prise de conscience n’est arrivée qu’un an plus tard. “Je discutais avec une amie, et je lui ai parlé de cette nuit-là. C’était la première fois que j’abordais à nouveau le sujet. C’est elle qui m’a dit que ce que j’avais vécu était un viol”, se souvient Céline. “À partir de ce moment-là, ce fut la dégringolade.”

Je me suis enfin sentie légitime, parce que je suis légitime.

Puis soudain, la colère

Après un long moment de réflexion, en colère, Céline a décidé de déposer une plainte contre le garçon qui a filmé son agression. Dès le début, elle a été prise au sérieux, mais au bout d’un an d’enquête, son dossier a été classé sans suite. C’était un jour de juin 2022. “Je n’étais pas du tout préparée, et je l’ai mal vécu, évidemment.” Ce fut pour Céline le coup de massue qui l’a poussée à dénoncer, un mois plus tard, ce dont elle avait été victime sur les réseaux sociaux.

Une décision qui ne sera pas sans conséquence, puisque Céline a subi du cyberharcèlement. Malgré cela, elle ne regrette pas d’avoir dénoncé les faits. Que du contraire. Après avoir parlé publiquement de ce qui lui était arrivé, un procureur a décidé de rouvrir le dossier, estimant que la première enquête avait été bâclée. “Je me suis enfin sentie légitime, parce que je suis légitime”, martèle la jeune femme.

Mon corps parle par le traumatisme que j’ai vécu, et j’en paie le prix fort.

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“Un meurtre psychique”

Céline n’y va pas par quatre chemins: “Subir des violences sexuelles, c’est un meurtre psychique.” Avec diverses conséquences. Pour la jeune femme, cela se traduit par un stress post-traumatique, une dépression, de l’anxiété, mais aussi par une prise de poids et une fibromyalgie, un trouble neurologique causé, dans son cas, par la surcharge de stress liée à son traumatisme. Chez elle, cela prend la forme de douleurs chroniques, musculaires et articulaires, de fatigue, ou encore de troubles gastro-intestinaux, gynécologiques et du sommeil. “Mon corps parle par le traumatisme que j’ai vécu, et j’en paie le prix fort”, commente la jeune femme. Ces troubles engendrent pour Céline des frais, aussi bien financiers que physiques, “parce que toute ma vie tourne autour de ça”.

Burn-out et perte de ses avantages

Des problèmes financiers? C’est peu de le dire. Alors que Céline avait trouvé un travail, son état n’a fait que se dégrader. En 2019, elle a fait un burn-out, et au bout d’un an, elle a perdu son emploi. Elle est restée trois ans sur la mutuelle, jusqu’à ce qu’elle perde ses droits aux indemnités. “La mutuelle n’a pris en compte que la partie professionnelle, alors qu’un burn-out englobe plein de choses”, regrette la jeune femme.

Si j’ai fait un burn-out, c’est en grande partie à cause des violences sexuelles.

Perdre ses indemnités de travail représente pour Céline des revenus amputés de 60 %. Elle a introduit un recours auprès du tribunal du travail, et a également introduit une demande de reconnaissance de handicap auprès du SPF, en novembre dernier. Céline attend encore l’avis des experts concernant ses deux demandes. Une charge mentale supplémentaire pour la jeune femme. “Il y a clairement un dysfonctionnement dans le système”, dénonce-t-elle.

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