Témoignage: ““J’ai été au bout de mon rêve et je l’ai réalisé””
Des projets magiques, des souhaits dont on n’ose espérer qu’ils se réalisent un jour. Mais pourquoi nos rêves les plus fous seraient-ils condamnés à rester du domaine de l’imaginaire? Loredana, 29 ans, a lancé son propre label de mode équitable, Wearable Stories, preuve que se lancer est la clé de tous les possibles.
“Dès que j’ai pu, j’ai commencé à fabriquer mes vêtements et à seize ans, je portais déjà mes propres créations. J’ai toujours été attirée par l’univers de la mode et j’espérais pouvoir y construire mon avenir, mais c’est un domaine où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. J’ai donc conservé ce rêve dans un coin de ma tête, tout en étudiant les Sciences de la communication. Mais une fois mon cursus achevé, j’ai tenté ma chance en envoyant des demandes de stages à des maisons de Haute Couture à Paris, Milan et Berlin. Et miraculeusement, quatre d’entre elles, basées à Milan, m’ont recontactée. La troisième m’a offert de commencer un mois plus tard. Je débordais de bonheur. Un stage à Milan c’était le fantasme absolu. J’avais hâte de débuter ma nouvelle vie là-bas.
Une rude entrée en matière
Et puis, ce premier jour de travail tant attendu est arrivé et avec lui, la demande très méprisante de laisser au placard mon top confortable et mes sandales et de choisir une tenue dans le stock avec laquelle revenir le lendemain. Et en talons! (rires) Des débuts pour le moins difficiles. Surtout sachant que mes principales tâches consistaient à préparer le déjeuner et servir le café. Au bout de deux semaines, je pleurais pour rentrer à la maison. Je réalisais à quel point ce monde peut être superficiel, et je ne me voyais plus y travailler, ni même de le côtoyer.
Poursuivre mon rêve
Mais cela s’est ensuite arrangé. J’ai pu intégrer le service commercial, avant de remplacer quelqu’un dans l’équipe de conception. Si ma fonction s’était améliorée, la rémunération elle, n’était toujours pas à la hauteur. Tout à Milan coûtait trop cher pour mon minuscule salaire. Je suis donc rentrée en Belgique, sans considérer l’expérience comme un échec, mais plus comme un baptême du feu qu’aucune formation scolaire n’aurait pu m’offrir. J’ai retrouvé un emploi dans une maison de Haute Couture bruxelloise où j’ai énormément appris en très peu de temps.
Je poursuivais mon rêve, mais cela m’épuisait. J’en suis arrivée à me demander si cela en valait vraiment la peine. Et ce que je faisais au service d’autres, j’aurais aimé le faire à mon propre compte. Mais comment?
Bali, un nouveau départ
J’avais besoin de temps pour moi. J’ai donc pris tous mes congés et suis partie en voyage pour rejoindre à Bali une amie qui y séjournait. La vie là-bas y était si belle, si inspirante, qu’elle m’a métamorphosée. J’y ai acquis un autre état d’esprit et une philosophie de vie différente. J’avais 28 ans et je ne pouvais trouver de meilleur moment pour réaliser mes rêves. C’est ainsi que mon plan a pris forme. J’allais créer, en collaboration avec Anke, une collection de maillots de bain à destination du marché belge. Leur design simple serait agrémenté de superbes tissus Balinais, riches d’une belle histoire. C’était à portée de main, mais il me restait en Belgique, un appartement, une voiture, un emploi… Je devais être sûre d’être prête à renoncer.
Se lancer sans filets
Mais je n’imaginais plus faire machine arrière, et je suis donc rentrée le temps de gérer la transition. Cela semble simple dit comme ça, mais j’ai connu alors de nombreuses nuits sans sommeil. Je pouvais m’éveiller le matin, confiante et sereine face à mon choix, pour ensuite l’après-midi me retrouver rongée par les doutes et l’incertitude. Finalement, après deux semaines, mes affaires étaient prêtes et j’ai réembarqué dans l’avion en direction de Bali. J’avais pris ma décision. Aidée de Anke, je me suis directement mise au travail: recherche de tailleurs, choix des étoffes, création de la gamme… En à peine un an, nous avons achevé notre collection et ce en réalisant tout nous-mêmes, y compris transporter des rouleaux de tissus sur une vieille mobylette. Ce fut une période fantastique, mais avec des moments très compliqués.
Le succès au bout du fil
Un jour, nous avons reçu un appel téléphonique en provenance d’une chaîne de télévision belge qui préparait une émission sur les jeunes entrepreneurs et désiraient qu’on y participe. Une équipe de tournage nous a suivies durant quelques jours. Nous n’en espérions pas grand-chose et dans le pire des cas, ça nous ferait un joli souvenir. J’étais en Belgique lors de la diffusion. Je regardais la télévision avec ma famille et j’avais laissé mon smartphone dans la cuisine. À chaque fois qu’une commande était effectuée sur le site, il produisait le bruit d’une pièce qui tombe dans une tirelire. Durant l’émission ce son revenait de manière constante: Cling! Cling! (rires). Dès ce moment, tout s’est accéléré. Nous voulions nous établir à Bali, mais une majorité d’opportunités se trouvaient en Belgique. Nous sommes alors arrivées à un tournant: choisir de nous développer et de prospérer chez nous en Belgique, ou conserver un statu quo en demeurant à Bali.
À ce moment plus que tout autre, j’ai réalisé à quel point je touchais mon rêve du doigt, à quel point cette réussite était ce que je désirais.
Anke, elle, avait d’autres désirs, d’autres ambitions et je suis heureuse qu’elle en ait tenu compte. Je me suis retrouvée seule aux commandes, avec la nécessité de trouver une bonne équipe pour m’entourer. Il me fallait développer toujours plus le label. J’ai alors décidé de miser sur le commerce équitable et je suis partie à la recherche d’ateliers éthiques tout en me plongeant dans le choix de tissus appropriés. J’ai opté pour un atelier au Vietnam, qui collabore avec des écoles et des orphelinats, et choisi des matériaux qui ne sont pas traités chimiquement, et j’ai pu mettre en place la ligne que je souhaitais. Je me suis une nouvelle fois retrouvée noyée sous le travail, mais c’était le meilleur des apprentissages.
Tout ou rien
Je possède désormais dix points de vente en Belgique et ma propre boutique. Contrairement à Bali où tout se faisait à son rythme, je dois aujourd’hui être performante. Car ici, c’est tout où rien. Mais j’ai aussi la chance d’avoir ma famille et mes amis à mes côtés pour me soutenir, m’épauler et m’encourager. L’envie de réaliser ses rêves amène énormément de doutes et l’impression de commettre une folie. Mais le plus difficile est d’oser se lancer. De perdre pied pour ensuite mieux reprendre contact avec la terre ferme.
Chaque jour, je suis heureuse d’avoir sauté dans le vide. C’est une réussite mais même si cela n’avait pas été le cas, je n’aurais pas eu de regrets.
Article de Nele Reymen et Barbara Wesoly.
À lire aussi:
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici