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Témoignage: ““Je suis autosexuelle, faire l’amour avec un homme ne me fait rien””

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste
Pascale, 26 ans, aime le sexe, mais en solo. L'idée d'un contact physique avec une autre personne la dégoûte, elle ne ressent aucun désir de toucher un autre corps et préfère se donner du plaisir à elle-même.

“Toutes mes amies s'imaginent que je suis comme elles, que j'ai des aventures d'un soir ou que je fais des rencontres via Tinder. Elles s'imaginent que ce qui les fait vibrer me fait vibrer aussi. En réalité, pas du tout. La vérité, c'est que je n'ai eu jusqu'ici qu'environ 3 partenaires sexuels et que ça fait environ 4 ans que je n'ai plus invité personne dans mon lit. Et le plaisir, me direz-vous? Je me le donne à moi-même en me caressant.

Je sais que pour beaucoup de gens, la masturbation est considérée comme un rapport sexuel de seconde zone, mais moi, c'est mon quotidien.

Ce qui m'arrange, c'est que ça me permet de ne toucher ni une bouche, ni un pénis. Mes mains me satisfont totalement. Je n'ai besoin de rien d'autre!

 

Jouer au docteur

Je pense que dès l'âge de 6 ou 7 ans, j'avais déjà compris que je pouvais avoir du plaisir en solo. Cette découverte, je l'ai faite un soir après avoir passé la journée à jouer au docteur avec les enfants des voisins. Après avoir vu ce qui se passait sous le pantalon des garçons, j'avais super envie de savoir comment tout cela fonctionnait chez moi. Je me suis donc enfermée dans la salle-de-bain et j'ai glissé un petit miroir entre mes cuisses. Puis, tout naturellement, j'ai commencé à me caresser le clitoris. C'était tellement agréable que j'ai continué jusqu'à ressentir une véritable explosion dans le bas-ventre. A ce moment précis, j'imaginais vraiment être la seule petite fille au monde qui ressentait un tel truc.

C'était tellement jouissif que j'en ai conclu que ça devait certainement être interdit. J'ai toute de suite senti que je ne pouvais pas parler de ça autour de moi. C'est devenu mon secret.

J'imagine que beaucoup de gens doivent être choqués que j'aie pu faire ce type de découvertes à un âgeaussi jeune. Je l'ai été, moi aussi. Puis, un jour, j'ai découvert que d'autres d'enfants se caressaient. Certains commencent même à deux ou trois ans lorsqu'ils remarquent que se frotter à leur ours en peluche leur procure une sensation agréable. Je trouve dommage que tout ce soit à ce point tabou. Je sais que beaucoup de parents punissent leur enfant lorsqu'ils le surprennent en train de se caresser. Ça m'est arrivé à moi aussi.

 

La douche froide

A l'époque, je ne savais pas que c'était lié au sexe. J'étais juste accro à cette sensation agréable que j'aimais retrouver quand je me retrouvais seule dans ma chambre, porte fermée.  La seule fois où j'avais oublié de fermer la porte à clé, ma mère est entrée par surprise. J'avais 9 ans. Je me souviens avoir entendu ses pas dans le couloir, mais je ne me suis pas arrêtée à temps.

Quand elle m'a vue, elle s'est mise dans une colère noire. Elle a crié, m'a traitée de traînée, de bonne à rien, et m’a obligée à prendre une douche froide. Le soir, pendant le dîner, devant mon petit frère elle a tout raconté à mon père. J'étais morte de honte.

Mon frère et moi, on ne s'entendait pas. J'avais très peur qu'il aille tout raconter à l'école. Par chance, il ne l'a jamais fait, mais cette angoisse m'a poursuivie très longtemps. A partir de ce moment, chaque fois que je me caressais, j'ai eu l'impression de faire un truc dégoûtant. Mais ça ne m'a pas arrêtée, d'autant que j'entrais petit à petit dans la puberté. Il m'arrivait de m'enfermer jusqu'à 3 ou 4 fois dans ma chambre sur une seule journée. Après, je me sentais toujours coupable. A force de discuter sexe avec mes copines d'école, j'avais compris que ce que je faisais n'avait rien d'anormal, que ce n'était pas réservé aux garçons, et que c'était même considéré comme plutôt balaise. Mon côté réservé prenait cependant le dessus sur le reste.

Alors que mes copines vivaient leurs premières histoires d'amour, je restais dans mon coin sans oser m'approcher des garçons. J'avais l'impression que je ne les méritais pas, et en même temps, je ne mes trouvais pas intéressants.

Il m'est bien arrivé de me sentir attirée par l'un ou l'autre, mais l'idée qu'il puisse m'embrasser, ou pire, de devoir me déshabiller devant lui – me bloquait complètement.

 

Jouir, c'est OK

Quand je me suis installée dans mon propre appartement, les choses se sont très mal passées. J'ai souffert d'énormes crises de boulimie. Je ne faisais que manger, vomir et dormir. Lorsque j'ai décidé de consulter un médecin suite à des maux de gorge, elle m'a questionnée et je me suis effondrée.  Elle m'a alors envoyée chez un thérapeute. D'emblée, je me suis sentie à l'aise avec lui. Avec son aide, je suis parvenue à me libérer de la sensation d'oppression que j'avais toujours ressentie en présence de ma mère et de mes problèmes de boulimie. Mais il m'a fallu un an et demi de thérapie pour oser parler de mes autres angoisses.

Grâce à l'EMDR, une technique utilisée pour se libérer de traumatismes, j'ai réussi à surmonter le sentiment de culpabilité que j'éprouvais chaque fois que je me caressais. Désormais, je suis consciente que ce que je fais n'a rien de malsain.

Je peux me caresser et avoir du plaisir en solo sans me dire que ce que je fais est mal ou sale. Quel soulagement! Mais cela ne concerne que moi. Je suis incapable de partager mon excitation et le plaisir qui en découle avec un partenaire. Je n'en éprouve même pas le besoin. Pour moi, la masturbation est totalement dissociée de tout fantasme. Lorsque je jouis, c'est comme si je me déchargeais physiquement. Et pour ça, je n'ai besoin de personne!

 

Echange de bactéries

Ne croyez pas que je parle d'une chose que je n'ai jamais expérimentée. Sur le conseil de mon thérapeute, j'ai accepté de me laisser approcher par des garçons. Je suis même tombée plusieurs fois amoureuse, au point de ressentir le besoin d'un rapprochement physique. J'ai aimé les caresses, et détesté tout le reste. Surtout les baisers: cet échange de salive, très peu pour moi. C'est plus fort que moi: chaque fois que j'embrasse un homme, je ne peux pas m'empêcher de penser à toutes les bactéries qu'on est en train d’échanger. Même lorsque mon ex-amoureux me caressait, je ne ressentais aucune excitation. Je ressens une sorte de blocage psychologique qui m'empêche de ressentir le même plaisir que celui que je peux me procurer à moi-même. J'essaie de me forcer, en vain. Tout me répugne: son excitation, son souffle qui s'accélère, ses gémissements. J'ai tout de même accepté de faire l'amour quelques fois avec lui, mais je n'ai ressenti aucun plaisir. C'était difficile à vivre pour lui, il était convaincu que c'était de sa faute. Je n'ai pas eu le courage de lui avouer que le problème venait de moi. J'ai préféré le plaquer lâchement. Après cette rupture, j'ai fait deux autres tentatives.

 

Une révélation

Un jour, je suis tombée sur le mot "autosexualité" dans un moteur de recherche. Ça m'a délivrée. Je sais maintenant ce que je veux: m'accepter comme je suis. Aujourd'hui, je suis beaucoup moins timide et réservée qu'avant. J'ai un tas d'amis. Sur le plan professionnel, j'ai trouvé un job dans le milieu artistique qui me passionne. J'y consacre toute mon énergie. Je ne ressens pas le besoin d'être liée à un homme, je n'ai pas assez de temps pour ça. Si un jour ça change, je m'adapterai. Pour l'instant, mon cercle d'amis et ma sexualité en solo me suffisent. Parfois, je m'accorde juste quelques minutes. Parfois beaucoup plus longtemps. Ca dépend. Je pense que l'autosexualité, c'est une question de nature. Tout comme l'asexualité (l'absence de tout besoin sexuel). Peut-être même que ça me vient de ma mère. Si elle ma jugée aussi sévèrement, c'est peut-être parce qu'elle a cru qu'en me punissant, elle réussirait à contrarier ma nature. Je n'ose pas lui poser la question. Aujourd'hui, nos rapports sont meilleurs, mais on ne parle pas de sexe. Pourtant, elle est la seule personne ne mon entourage qui ne me demande jamais s'il n'est pas temps de me mettre en couple. Bizarre, non?”

 

Texte: Lydia Van der Weide. Adaptation: Marie Honnay. 

 

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