TÉMOIGNAGES: comment la légalisation du mariage gay a marqué leur vie
Bien que pour nous, il soit tout à fait normal que 2 personnes du même sexe puissent se marier, à l’échelle mondiale, la réalité est toute autre et le mariage pour tous n’est autorisé que dans 29 pays. Raison de plus pour célébrer dignement le 20e anniversaire du mariage homosexuel en Belgique!
Steve (35 ans) et Bram (40 ans) se sont dit oui le 14 mai 2016 et ont adopté leur petite fille Julia il y a 3 ans. Ils espèrent que le mariage homosexuel sera à jamais une évidence.
Steve: « J’avais 12 ans lorsque je suis tombé amoureux d’un garçon de ma classe. À 14 ans, j’ai osé avouer mes sentiments au camarade en question et mes parents se sont rendu compte que je ne me sentais pas bien. Lorsqu’ils m’ont demandé s’ils pouvaient me poser une question, j’ai répondu que je connaissais déjà leur question et que la réponse était oui. Voilà comment j’ai fait mon coming-out. »
Bram: « J’ai eu un peu plus de mal que Steve à accepter mon orientation. Au fond de moi, je l’ai toujours su, mais entre savoir, ressentir et accepter, il y a un monde de différence. J’ai finalement fait mon coming-out vers 19 ans. J’étais très angoissé, mais cette nouvelle a été bien mieux accueillie par mon entourage que je ne l’aurais imaginé. Quatre ans plus tard, j’ai rencontré Steve lors d’un camp LGBT organisé par une association de jeunesse. »
Steve: « Ce fut le coup de foudre. Cela fait 17 ans que nous sommes ensemble, dont 7 ans de mariage, pour le meilleur et pour le pire (rires). Je n’ai connu que la situation où 2 personnes du même sexe peuvent se marier civilement. Mais si c’était impossible, je me sentirais sans aucun doute inférieur. Bram et moi avons estimé qu’il était important de se marier, et tout le monde devrait avoir cette possibilité. »
Bram: « Contrairement à Steve, j’étais convaincu à l’adolescence qu’il n’était pas question pour moi de me marier et d’avoir des enfants, ce qui vous fait passer par un processus de deuil pour essayer de donner une place à ce rêve. Comme la législation a changé en 2003, ce rêve –que j’avais pratiquement mis de côté – a pu se réaliser et c’est juste fantastique. »
L’Amour avec un grand A
Bram: « J’ai toujours pensé que je demanderais Steve en mariage, mais il m’a devancée (rires). Lors de notre union, nous n’avons eu que des réactions positives. Nous sommes rarement confrontés à des préjugés. »
Steve: « Nous ne nous sommes pas mariés pour faire passer un message, mais pour célébrer notre amour et montrer notre engagement l’un envers l’autre. Malheureusement, tout le monde n’a pas cette chance, et des tendances et des faits plutôt déprimants sont survenus ces dernières années. Il suffit de penser à des pays comme l’Italie et la Hongrie, qui ont considérablement réduit leurs droits. »
Bram: « À l’échelle mondiale, il y a une polarisation très à droite. Alors à l’occasion d’un 20e anniversaire comme celui-ci, on ne peut que se rappeler d’être reconnaissants qu’il s’agisse d’une évidence en Belgique. Si un jour j’ai l’impression que nos droits sont en train d’être réduits, que nous sommes, pour ainsi dire, remis dans le placard, je serai plus engagé que de juste signer une pétition. Ce qui se passe est effrayant, c’est pourquoi ce dont nous sommes témoins chaque jour est particulièrement beau et spécial. C’est la raison pour laquelle je veux m’arrêter sur ce 20e anniversaire. »
Steve: « Auparavant, je n’attachais pas beaucoup d’importance à mon homosexualité, mais en fin de compte, c’est un élément essentiel. Cela a beaucoup plus à voir avec ce que je suis en tant que personne qu’avec l’identité de mon partenaire. »
Bram: « Lorsque j’étais plus jeune, j’étais fier que les gens me disent qu’ils ne voyaient pas que j’étais gay. Depuis quelque temps, j’aime justement être vu. Nous n’avons aucune raison de nous cacher. Il y a encore quelques années, l’homosexualité était décrite comme une maladie mentale. C’est dire le chemin parcouru. Heureusement, les temps changent, mais j’espère que la norme continuera d’évoluer. »
Steve: « Nous devons tous nous assurer que nous continuons à aller de l’avant. L’amour, c’est l’amour! »
Depuis le 30 juillet 2022, Yentl (34 ans) et Lotte (30 ans) sont épouses. Elles sont très reconnaissantes d’avoir été autorisées à se marier.
Lotte: « À 15 ans, j’ai eu ma première relation avec une fille. J’étais dans une école catholique et la relation a été accueillie assez violemment, ce qui m’a fortement découragée. Aujourd’hui, je tombe amoureuse aussi bien d’hommes que de femmes, mais à l’époque, les réactions m’ont tellement découragée que je n’ai eu que des partenaires masculins. Ce n’est qu’il y a quelques années, lorsque j’ai constaté en tant que célibataire que l’homosexualité était mieux acceptée, que je me suis autorisée à considérer à nouveau les femmes comme des éventuelles partenaires. »
Yentl: « Il y a environ 13 ans, j’ai embrassé une amie proche. Ce baiser a déclenché quelque chose en moi et a provoqué un événement auquel je ne m’attendais pas du tout. »
Lotte: « Je n’ai jamais eu de problème avec mon orientation, même si j’ai eu du mal à le dire à mon entourage. Non pas parce qu’ils ne m’acceptaient pas, mais à cause de l’esprit de l’époque. À ce moment-là, il y avait plus de préjugés et donc plus de commentaires. Heureusement, personne n’en a jamais fait un problème. La seule chose qui préoccupait ma mère était de savoir s’il y aurait un jour des petits-enfants (rires). »
Yentl: « Mon coming-out n’a pas été simple. Ma famille a eu besoin d’un peu de temps pour s’habituer à cette réalité, mais depuis, elle considère Lotte – avec qui je suis en couple depuis 3 ans et demi suite à un match sur Tinder – comme sa propre fille. »
Lotte: « J’ai vite senti que Yentl était la bonne. Lorsqu’elle m’a demandé de l’épouser, je n’ai pas hésité une seconde. Pour nous, se marier est synonyme d’engagement, de confiance et de bonheur. En disant oui, nous avons promis à notre famille, à nos amis et, surtout, l’une à l’autre, que je la choisissais définitivement et qu’elle me choisissait. »
Très reconnaissantes
Yentl: « En tant que membre de la communauté LGBT, je ne peux qu’être fière que la Belgique ait été le deuxième pays au monde à reconnaître le mariage homosexuel. Des événements comme ce 20e anniversaire rappellent à la société combien c’est un pas en avant.
Le mariage gay est et reste une donnée visible important dans la lutte pour l’égalité des droits et la reconnaissance de l’amour et de l’engagement entre partenaires, quel que soit leur sexe. »
Lotte: « Depuis le 30 juillet 2022, nous sommes mariées civilement et l’été prochain, nous organiserons une nouvelle fête de mariage. Les gens nous demandent si le mariage aura lieu à l’église. Mais Yentl et moi avons le droit de nous marier devant la loi, mais nous ne sommes toujours pas les bienvenues à l’église. »
Yentl: « En effet, en 2023, les relations entre personnes de même sexe sont encore punies dans 70 pays. Seuls 29 pays reconnaissent le mariage entre 2 hommes, 2 femmes ou 2 personnes non binaires, et seuls 11 pays ont inscrit les droits LGBT dans leur constitution. Une preuve accablante que l’homosexualité est encore loin d’être acceptée partout. »
Lotte: « Ça parait évident, mais ce n’est pas le cas. Une semaine après notre mariage, par exemple, nous avons été invitées à un mariage en Hongrie. Un pays où ce n’est pas permis, où il n’est plus acceptable que 2 femmes s’aiment. Ça fait bizarre. Raison de plus pour être reconnaissantes de vivre dans un pays comme la Belgique, où on a le droit d’être qui on est. »
Yentl: « Combien de fois les mots ‘homo’ et ‘lesbienne’ sont-ils encore utilisés comme des gros mots? Bien que la Belgique ait fait pas mal de chemin et qu’on constate que beaucoup de gens sont plus conscients que jamais de l’importance de la diversité et de l’inclusion, on peut encore améliorer les choses. »
Jamie (33 ans) et Giovanni (35 ans) se sont mariés le 20 octobre 2018. Les amoureux considèrent ce 20e anniversaire comme une victoire, mais aussi comme un signe que la véritable égalité n’en est encore qu’à ses balbutiements.
Giovanni: « J’ai pris conscience que je tombe aussi amoureux d’hommes de manière progressive. Je n’ai commencé à comprendre que durant mes études supérieures, ce qui n’a pas été facile à taire, mais je n’ai vraiment réalisé que lorsque je suis tombé amoureux de Jamie en 2013. »
Jamie: « Pour moi, il n’y a pas eu de moment décisif, même si j’ai remarqué pendant la puberté que ce que je ressentais ne correspondait pas aux attentes de ma famille et de mes amis. Au fond de moi, je savais que j’étais attiré par les personnes du même sexe, mais je me laissais de l’espace, notamment parce qu’une partie de moi avait peur de ce à quoi ressemblerait ma vie si j’étais honnête. Ce n’est que lorsque j’ai poursuivi mes études que j’ai rencontré pour la première fois des personnes ouvertement homosexuelles qui vivaient leur vie sans honte et sans secret. »
Giovanni: « Je savais que j’avais ces sentiments et je ne les ai pas réprimés, mais je n’en ai parlé à personne. C’était ma propre exploration identitaire. Lorsque Jamie s’est présenté à moi et que nous nous sommes mis un couple, nous avons vécu au Vietnam, loin de notre famille et de nos amis, en Angleterre et en Belgique. Là-bas, nous avons pu être qui nous voulions. Le fait de trouver la bonne personne nous a finalement permis de dire à notre entourage que nous ramenions un homme à la maison. »
Jamie: « Il a fallu environ un an avant que nous n’en parlions à la maison.
Vivre à l’étranger nous a rassurés, nous a donné une sorte de couverture de sécurité: si nous ne sommes pas acceptés tout de suite, nous n’avons qu’à donner un peu de temps.
Faire partie des statistiques queer
Jamie: « Je suis un romantique, alors j’ai été très heureux quand Giovanni m’a demandé ma main et que nous nous sommes mariés, en octobre 2018. Nous sommes légalement en couple et c’est super. Par exemple, s’il lui arrivait un problème médical, j’aurais au moins un droit de regard, mais c’est aussi une bonne base pour fonder une famille et nous avons très envie d’avoir des enfants. »
Giovanni: « J’ai décidé de demander Jamie en mariage parce que, en plus de l’aimer follement, je voulais faire usage de ce droit et faire partie des statistiques homosexuelles (rires). D’un côté, je suis fier d’être belge et je m’en rends d’autant plus compte lorsque je discute avec des personnes homosexuelles d’autres pays. Mais d’un autre côté, je ne peux m’empêcher de penser que le mariage LGBTQ+ a été illégal pendant les 15 premières années de ma vie. »
Jamie: « J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de choses à célébrer. En Angleterre et au Pays de Galles, le mariage n’a été légalisé qu’en 2014, et l’Irlande du Nord a suivi il y a seulement trois ans. J’attends avec impatience le jour où mon pays d’origine célébrera ce 20e anniversaire, mais ça va prendre du temps. »
Giovanni: « La Belgique a aussi été avant-gardiste quant à la légalisation de l’adoption. Il s’agit de 2 droits importants pour lesquels la communauté queer s’est battue longtemps et durement, mais j’ai parfois l’impression que le niveau d’investissement en faveur de l’égalité s’arrête là. Fonder une famille est légal, mais ça prend infiniment plus de temps, ça implique beaucoup plus de choses et le congé de paternité pour les 2 pères est limité. La Belgique est bien plus en avance que beaucoup d’autres pays. Ce 20e anniversaire est donc certainement une victoire, mais il montre en même temps qu’on n’en est qu’au début. Il y a encore beaucoup de choses à faire! »
Lire aussi:
- Le joueur de football Alberto Lejárraga a fait son coming out sur le terrain
- Le personnage de Selena Gomez était censé être bi dans les Sorciers de Waverly Place
- La Belgique classée deuxième meilleur pays d’Europe pour la communauté LGBT+
- 3 comptes Instagram à suivre pour se tenir au courant de l’actu LGBTQI+
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici