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© Morgane Delfosse/Getty Images

TÉMOIGNAGE: ““Mon fils est devenu handicapé après un accident de la route””

Justine Rossius
Justine Rossius Journaliste

Fortes, résilientes, combatives... autant d’adjectifs pour qualifier ces mères qui portent à bras-le-corps leur enfant différent. Dans son livre “Paroles de mères-veilleuses”, Céline Fremault, députée bruxelloise, a mis en lumière ces femmes qui dévouent leur vie à leur adoré·e. Nous avons rencontré une d’entre elles.

Isabelle, 59 ans, est institutrice et a 4 enfants. Jonas, l’aîné, aujourd’hui âgé de 37 ans, a eu un terrible accident de la route à l’âge de 24 ans.

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« Ça s’est passé en 2009. Jonas avait 24 ans: il revenait du travail et a glissé sur du verglas d’été, sans ceinture, car il venait de démarrer. Il a été éjecté de sa voiture et a eu un très grave choc crânien. Les médecins m’ont dit que ses chances de survie étaient très faibles. Je suis allée auprès de lui: je lui ai tenu la main en lui disant qu’il pouvait s’envoler s’il le voulait et que je l’aimais. Il a alors serré ma main très fort. Je lui ai demandé: ‘Tu veux vivre alors?’ Et il m’a serré la main très fort. J’ai compris qu’il n’était pas désireux de mourir.

Retrouver qui il était

Après 3 semaines, il a ouvert les yeux, mais il ne savait pas parler, bouger ou réagir. Il a fallu 1 an pour qu’il retrouve la parole. Les séquelles ont été énormes. Quand il est revenu à la maison, on a créé un appartement adapté. On a joué à des jeux, écouté des musiques, regarder ses films préférés: on a essayé de faire revenir à la vie la personne qu’il était. Car cette personne était bien là, avec tous ses souvenirs. Aujourd’hui, il parle très difficilement, il ne bouge toujours que le bras gauche. Il est en chaise roulante. Il sait encore lire des petites choses, joue aux échecs et il a beaucoup d’humour, comme avant l’accident! Il nous a un jour dit une phrase importante: ‘J’ai s’en vie.’ Il voulait dire qu’il avait envie de vivre et qu’il était en vie. Je lui ai demandé s’il trouvait la situation acceptable et il a répondu que oui. Ça m’a beaucoup aidée. Il a 38 ans aujourd’hui, mais il ne les fait pas: il est repassé par toutes les étapes, de la petite enfance à l’adolescence.

J’ai refusé que Jonas devienne l’unique préoccupation de ma vie.

Un handicap isolé

En tant que traumatisé crânien, c’est très difficile de trouver sa place parmi les personnes en situation de handicap. C’est pourquoi, après avoir énormément cherché, on a décidé de le mettre dans un home pour personnes âgées. C’est une grande peine pour nous de voir qu’il n’y avait aucune autre solution. Il y est depuis février et ça se passe bien. On a mis en place plusieurs activités pendant la semaine pour que ce soit plaisant. Jonas est financièrement indépendant: il reçoit son salaire et peut payer son loyer à la maison de repos, car l’accident de travail a été reconnu par la justice. De mon côté, je me suis battue pendant des années pour l’aider à retrouver le plus de capacités motrices, intellectuelles. Toujours dans le but de soulager mes autres enfants, pour que ce ne soit pas trop difficile à porter pour eux. Ma fille n’avait que 12 ans quand c’est arrivé. J’ai toujours été très équitable avec mes enfants et attentive au temps passé avec chacun d’eux. Je ne voulais pas que Jonas prenne toute la place. Mes enfants ne devaient pas être victimes de son accident plus que nécessaire.

Encore plus combattive

Ce n’est que maintenant (14 ans plus tard, et après avoir moi-même affronté un cancer) que j’essaye d’accepter les choses comme elles sont. Que je commence le deuil de notre vie d’avant. J’ai repris mon métier de directrice d’école. J’ai finalement fait un burn out avant de me réinventer dans la pédagogie active en extérieur. Je m’occupe désormais d’enfants avec des handicaps et des difficultés d’apprentissages. C’est génial! Cet accident m’a changée: j’étais déjà quelqu’un de courageux, mais je me sens encore plus combative. Ça m’a renforcée. J’ai toujours voulu garder la joie, c’était important pour moi de ne pas devenir quelqu’un d’amer ou de plaintif à cause de cet accident. Le premier jour de l’accident, on s’est dit, avec les enfants, qu’on allait devenir meilleurs, plus forts et qu’on allait s’en sortir. On a toujours voulu continuer à vivre comme tout le monde. Encore aujourd’hui, je fais une activité professionnelle, artistique… j’ai refusé que Jonas devienne l’unique préoccupation de ma vie; je ne suis pas que la maman d’un enfant handicapé. »

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