TÉMOIGNAGE: ““J’ai souffert du TOC homo soit la peur obsessionnelle d’être gay””
Ysa, 35 ans, a souffert pendant longtemps du TOC homosexuel, soit de la peur phobique d’être homosexuelle. Elle nous livre son témoignage.
Le TOC homosexuel, abréviation de “Trouble Obsessionnel Compulsif homosexuel”, est une forme particulière de trouble obsessionnel-compulsif (TOC) qui se caractérise par des obsessions et des compulsions liées à l’orientation sexuelle. Les personnes souffrant de ce trouble peuvent ressentir une anxiété intense et récurrente concernant leur orientation sexuelle, même si elles ont déjà identifié et accepté leur orientation sexuelle réelle.
Les caractéristiques du TOC homo
Les obsessions liées au TOC homo peuvent prendre diverses formes, notamment :
- La peur de devenir homosexuel, même si la personne n’a aucune attirance pour le même sexe.
- La peur d’être en train de cacher ou de refouler son homosexualité.
- La crainte que les pensées ou les actes non sexuels puissent être interprétés comme une indication de l’homosexualité.
Pour faire face à ces obsessions, les personnes atteintes de TOC homosexuel peuvent développer des compulsions, telles que la recherche constante de preuves de leur orientation sexuelle réelle, l’évitement de situations ou de personnes du même sexe, ou la répétition de rituels pour se rassurer. Ysa, 35 ans, a accepté de se confier sur son trouble.
Une nature anxieuse
« J’ai toujours été assez anxieuse, mais le cauchemar a commencé suite à une séance chez un micro-kinésithérapeute. Un moment, pendant la séance, il m’a dit qu’il était possible de se réveiller un matin et de ne plus aimer son conjoint. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai été incapable d’avaler quoi que ce soit et je me suis mise à vomir. J’avais une boule au ventre. Je pense qu’à partir de ce jour-là, mon anxiété s’est simplement cristallisée sur l’amour que je portais à mon petit ami de l’époque. J’ai commencé à avoir du mal à le regarder dans les yeux. Lui qui m’avait toujours apaisée, me rendait désormais anxieuse. Je me suis mise à analyser ses moindres faits et gestes, pour vérifier que je l’aimais vraiment. Est-ce que j’aime la façon dont il mange/s’habille/sexprime? Je cherchais des moyens d’invalider le fait que je puisse l’aimer. J’avais aussi des ‘pensées magiques’: s’il me tartinait ma tartine de confiture à l’abricot plutôt que fraise, c’était qu’il n’était pas fait pour moi. J’ai mille exemples du genre.
Cette escalade d’interrogations a duré des semaines et des semaines avant que j’ose lui en parler. Évidemment, il n’a pas compris. Nous étions très jeunes à l’époque. De mon côté, je cherchais sans cesse à être rassurée par mes proches. Mes copines me disaient à quel point il était formidable, mais moi, je me comparais à tous les couples, même ceux des films. Cette relation était-elle juste? Est-ce que je mentais à moi-même? Je continuais parallèlement à ne plus savoir manger, j’avais perdu dix kilos en quatre mois. On pourrait penser qu’il est normal de se questionner sur son couple. Et ça l’est, mais les pensées intrusives sont différentes des pensées ‘normales’. Pour vous donner une idée, seulement 1 % de mes journées était consacré à autre chose qu’à ces questionnements. Cela m’empêchait de travailler, de profiter d’un restaurant entre copines… Ce doute était invivable. C’était un doute de chaque seconde, j’avais l’impression de devenir folle. J’analysais tout, la moindre pensée, je m’y accrochais pour la décrypter, l’analyser en détails. Je ne parvenais jamais à faire taire cette machine en moi, sauf quand je buvais de l’alcool. On a fini par se quitter.
L’annonce du coming out
C’est à ce moment-là qu’une de mes meilleures amies d’enfance a fait son coming-out, après avoir été en couple avec un garçon durant sept ans. Ça m’a fait un choc. Dans les heures qui ont suivi l’annonce, j’ai commencé à être persuadée que j’étais moi aussi homosexuelle et que c’est pour ça que j’avais tant douté! Ce qu’on appelle le ‘TOC homo’ est apparu chez moi, et il a duré trois ans. On pourrait penser que je ne voulais juste pas m’avouer mon homosexualité, mais ce n’est pas ça. C’est d’ailleurs là que réside tout le côté pervers des phobies d’impulsion. J’ai commencé à mettre en place des mécanismes d’évitement, j’évitais de fréquenter mes jolies copines ou de voir des films avec des actrices nues… J’ai même supprimé les applications de shopping en ligne de mon téléphone pour éviter d’y apercevoir des mannequins en petites tenues. Je travaillais dans une boutique et je laissais ma collègue s’occuper des clientes féminines. J’ai petit à petit perdu l’amie qui avait fait son coming-out, elle voulait m’aider à faire le mien sans comprendre que ce n’était pas ça le problème. Mon angoisse n’en finissait pas de grandir, plus j’évitais les femmes, plus ça empirait.
Je n’avais plus un seul moment de répit, même mes nuits étaient parsemées de cauchemars de femmes nues. Ma santé aussi en prenait un coup, mon ventre se tordait, je développais des ulcères, et j’avais des insomnies.
Ça prenait des proportions énormes, j’avais tellement peur d’être excitée par la vue d’une femme, que je mettais des tampons tous les jours. Ç’a duré des mois comme ça. Pendant tout ce temps, je voyais des psys, mais personne n’avait encore pu me donner un diagnostic. Dans ce type de TOC, la compulsion est invisible, tout se passait dans ma tête. Il y a des personnes qui vérifient vingt fois qu’ils ont fermé le gaz, par exemple. Moi, je devais vérifier mentalement cent fois que je n’étais pas homo.
Le diagnostic : la fin d’une longue errance
Un jour, ma médecin généraliste m’a conseillé de faire une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour traiter une phobie des aiguilles que j’avais. Finalement, je suis arrivée chez la thérapeute et j’ai tout déballé. Elle m’a souri: elle savait. Elle m’a demandé: ‘Avez-vous déjà entendu parler des phobies d’impulsion’. Ça a été une révélation! Je souffrais d’un TOC homo. Je suis rentrée chez moi et j’ai passé la nuit entière à lire des articles sur le sujet. Je comprenais enfin ce qui se passait dans ma tête. Tout ce que je lisais correspondait exactement à ce que je ressentais. Le processus de guérison a été long, mais je voulais que ça aille vite, j’étais épuisée. J’ai commencé une thérapie TCC pendant laquelle la thérapeute me confrontait à mes phobies, en me montrant des dessins et puis des photos de femmes dans des catalogues la Redoute. Je devais continuer à regarder et à évaluer mon état d’anxiété de un à dix. Je trouvais cette méthode trop lente et trop violente, alors j’ai arrêté après la seconde séance. En 2015, j’ai fait une initiation à la méditation, en groupe.
Au moment du scan corporel, qui consiste donc à se concentrer sur les sensations de son corps, je me suis mise à pleurer. Je n’avais pas ressenti mon corps depuis des années, c’était juste mon mental qui travaillait.
Je suis rentrée chez moi et j’ai médité. Idem le lendemain, et je ne me suis plus arrêtée. La méditation est devenue ma bouée de sauvetage. Quand je sentais une montée d’angoisse, même au travail, je filais aux toilettes pour enclencher l’application ‘Petit Bambou’. Finalement, ce qui m’a sauvée, c’est ma compréhension de plus en plus fine de ce qui se passait en moi, couplée à la méditation. Mes tocs reviennent encore à certaines périodes. Mon angoisse se cristallise sur d’autres choses, j’ai été tantôt persuadée d’être alcoolique, tantôt d’avoir le cancer. Un nouveau toc peut surgir de n’importe quoi. Par exemple, quand j’ai vu que Caroline Receveur était atteinte du cancer, j’ai directement pensé que j’avais moi aussi le cancer. Mais maintenant, je détecte rapidement quand mon cerveau part en cacahuète, je suis attentive aux signaux physiques et mentaux. Et je sais aussi que je dois faire attention à mon rythme de vie. Faire du sport, dormir huit heures, ne pas boire d’alcool en semaine… Tout cela est très salvateur pour mes tocs. J’ai aujourd’hui suffisamment confiance en moi pour savoir que je ne me laisserai plus aller aussi mal qu’avant et cette pensée me fait beaucoup de bien. »
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