TÉMOIGNAGES: ““J’ai consommé de l’ayahuasca pour vivre une expérience spirituelle””
Expérience de mort imminente, hallucinations, impressions de rêver… Voici ce que relatent celleux qui ont fait l’expérience de plantes médicinales, telle que la plus célèbre — l’ayahuasca — principalement utilisée dans les rituels chamaniques en Amazonie. Deux lectrices ont accepté de nous livrer leur expérience.
L’ayahuasca, boisson hallucinogène consommée depuis des millénaires par des chamans en Amazonie, connaît depuis quelques années un véritable engouement, notamment chez des célébrités, comme Sting, qui s’est exprimé sur sa consommation régulière depuis plus de 20 ans. Ou encore plus récemment, le prince Harry himself qui déclarait, lors d’une séance de questions-réponses organisée dans le cadre de la sortie de son livre “Le suppléant”, avoir déjà consommé de l’ayahuasca: «C’était une manière de se nettoyer, de se purifier, de retirer les filtres de la vie, comme sur Instagram. (…) Je dirais que c’est l’une des parties fondamentales de ma vie qui m’a changé et m’a aidé à gérer les traumatismes et les douleurs du passé.» Chez nous, de plus en plus de personnes s’envolent vers des contrées lointaines pour se laisser tenter par l’expérience. Car en Belgique, sa consommation est illégale, comme dans de nombreux pays occidentaux, car considérée comme une drogue. Elle contient en effet de la DMT (la diméthyltryptamine), qui a des pouvoirs psychoactifs. Cependant, cette plante n’agit pas sur les circuits de la récompense, comme le font l’héroïne ou le cocaïne, donc elle ne présente ni risque d’addiction, ni d’overdose.
Une expérience illégale
Reprenons depuis le début… L’ayahuasca (littéralement, la «liane des morts») fait partie des 30.000 plantes utilisées à des fins médicinales dans le monde. Cette boisson est traditionnellement utilisée par les peuples autochtones de l’Amazonie pour des rituels spirituels et de guérison. Concrètement, il s’agit d’un breuvage hallucinogène préparé à partir d’écorces et de tige d’une liane de Banisteriopsis et de feuilles de l’arbuste Psychotria viridis. Il se déguste sous forme d’une infusion épaisse et brune au goût très amer, qu’il convient de consommer en petite quantité, encadré par un chaman, lors d’une cérémonie particulièrement ritualisée. Mais que se passe-t-il vraiment dans le cerveau des personnes qui en consomment? Une étude publiée dans PNAS révèle que l’ingestion de cette substance aurait un effet notable sur certaines fonctions du cerveau.
Les scientifiques de l’Université de Californie ont observé les réactions du cerveau grâce à un scanner cérébral et ont constaté un impact profond sur le cerveau, en particulier sur les zones liées au langage, à la mémoire, à la planification, à la prise de décision et à l’imagination.
«On note une augmentation de la capacité des régions du cerveau à se connecter entre elles», expriment les auteurs, qui voient cette activité cérébrale différente comme prometteuse pour traiter la dépression (en combinaison à une psychothérapie). Pour ces raisons, l’ayahuasca est souvent considérée comme une voie vers la compréhension de soi, la guérison spirituelle et la libération de traumatismes émotionnels. Les expériences peuvent être profondément transformationnelles, offrant aux participant·e·s des perspectives nouvelles sur leur vie. C’est ce qu’ont expérimenté les deux lectrices que nous avons rencontrées.
Lorie, 31, a vécu une expérience avec l’ayahuasca aux Pays-Bas.
« Après mes études, je ressentais comme un profond mal-être, un blocage qui m’empêchait d’être satisfaite de ma vie. Tous les facteurs externes de ma vie étaient là pour que je sois heureuse — j’avais un amoureux génial, une famille aimante … — et pourtant, je ne l’étais pas. Je changeais de travail tous les deux ans. Ça commençait à me fatiguer, et j’avais déjà entrepris plusieurs thérapies différentes. Un ami m’a alors parlé de l’ayahuasca, qu’il avait consommée au Pérou. Je ne voulais pas partir loin pour vivre cette expérience, mais cette discussion était restée dans un coin de ma tête. Un jour, j’ai reçu une newsletter d’une chercheuse en neurosciences que j’apprécie: elle évoquait son expérience de l’ayahuasca en des termes qui m’ont donné envie de tenter l’expérience. Je me suis renseignée sur l’endroit où elle avait été et je me suis inscrite. J’ai d’abord dû répondre à quelques questions par téléphone. On m’a ensuite expliqué le régime à suivre 2 semaines en amont: pas d’alcool, quasiment pas de viandes, etc. Je me suis retrouvée au Pays-Bas, dans une maison de campagne, avec 9 autres participants de tous horizons et 5 accompagnateurs. Ces personnes m’ont directement semblé profondément gentilles et bienveillantes. Les cérémonies se passaient dans une jolie yourte chauffée, avec de bonnes conditions sanitaires puisqu’elle était reliée à l’eau courante et aux toilettes. Je me suis retrouvée là sereine, mais sans grandes attentes. Je savais que je risquais de me purger en vomissant. Mais j’étais prête à payer ce prix pour me sentir mieux. J’allais vivre 2 cérémonies, une première le vendredi soir, une seconde le samedi vers 16 h. Ma plus grande crainte était que le chaman soit un charlatan, mais j’ai très vite été rassurée sur ce point. J’ai dû choisir une intention: la mienne était de rallumer cette flamme intérieure en moi qui me semblait s’être éteinte. La première cérémonie a donc commencé: le chaman m’a servi cette mixture brune… Dégueulasse (rires). On était tous installés en cercle, face à des petites bougies. Nous avons bu notre ayahuasca et patienté quelques dizaines de minutes pour que le produit fasse son effet.
Le chaman nous avait prévenus que si on devait aller aux toilettes très fort, c’est qu’on gardait en nous beaucoup de colère. Les vomissements étaient plutôt synonymes de tristesse.
Pour ma part, l’expérience a débuté par une immense douleur au ventre, comme une brûlure. J’ai perdu mon papa, il y a 5 ans à cause d’une maladie. J’ai directement senti que cette douleur était liée à ce deuil. J’ai beaucoup vomi ce soir-là, tout en pleurant. C’était horrible. Une facilitatrice a glissé sa main dans la mienne, et l’a tenue très fort en me disant de respirer. Je suis parvenue à me calmer petit à petit et cette douleur s’est évaporée. C’était comme si mon corps retrouvait le calme après la tempête. J’ai alors eu un sentiment d’amour profond et inconditionnel envers mes amis. C’est difficile à expliquer: on peut difficilement comprendre sans l’avoir vécu. Je voyais des images de personnes importantes pour moi. Et puis j’ai commencé à faire des liens avec des personnes de mon passé et de mon présent. J’ai aussi commencé à comprendre les dynamiques qui s’étaient jouées dans ma famille. Pourquoi j’avais eu une telle réaction, à tel moment de ma vie. Pourquoi j’avais toujours essayer de me montrer parfaite. Pourquoi j’avais tant de mal à ne rien faire et à me reposer. Tout prenait sens! C’était évident. Au final, je compare cette expérience de l’ayahuasca avec 10 années de thérapie. Les révélations sur soi-même et les autres sont incroyables. À la fin de la session, j’étais en fou rire! Mais les effets se sont estompés petit à petit et j’ai juste gardé un immense sourire sur le visage. On a fini par faire un tour de table où chacun a exprimé son vécu. C’était marrant car on avait vécu des choses très similaires, alors qu’on ne se connaissait pas du tout. Le lendemain avait lieu la seconde cérémonie et pour tout vous dire, personne n’avait vraiment envie d’y retourner. On avait peur d’avoir mal, de vomir, de pleurer… Mais on savait qu’on avait tiré du positif de notre première expérience. Pour cette seconde cérémonie, j’ai eu une réaction tout à fait différente. J’ai commencé à danser: je sentais toutes les vibrations de la musique en moi. C’était une super expérience! L’après? Je me suis sentie beaucoup plus légère. J’ai l’impression que ça m’a permis d’aller davantage vers les autres. Avant, j’étais comme enfermée avec mon mal-être. Je me mets aussi moins de pression au quotidien. J’ai appris à lâcher prise et c’est comme si un gros nœud s’était dénoué en moi. Je ne pense pas que je tenterai l’expérience à nouveau, mais je ne la regrette pas du tout. C’est une des meilleures décisions que j’ai prise!»
Laura, 37 ans, a découvert l’ayahuasca dans la jungle au Nicaragua.
«J’ai fait une retraite chamanique, organisée par une Belge installée au Nicaragua. Cela faisait déjà quelques années que je cherchais à me développer personnellement et que j’étais attirée par les thérapies alternatives. Je suis donc partie dans la jungle au printemps 2019 pour vivre une retraite chamanique d’une semaine, comprenant du yoga, de la méditation, des soins énergétiques. Je venais de déménager à Barcelone et cette période avait été très transformatrice: j’avais vécu une rupture sentimentale, quitté mon boulot… Je me retrouvais face à une sacrée page blanche et je sentais que quelque chose m’attendait au niveau professionnel notamment. Mais je ne savais pas quoi! J’avais besoin de réponses, de pistes. Je m’y suis rendue l’esprit ouvert, sans aucune attente, ni peur. Là-bas, les cérémonies ont été magiques! Les rituels durent des nuits entières, au son des tambours. Les personnes présentes étaient toutes d’une grande bienveillance. Quand le breuvage a commencé à faire son effet la première fois, j’ai beaucoup vomi. J’avais l’impression de me détoxifier. C’était intense, mais gérable. J’ai ensuite vécu un trip visuel assez flippant: je voyais des serpents fluorescents autour de moi. La seconde cérémonie m’a davantage marquée. C’était cauchemardesque. J’ai beaucoup pleuré, comme si je me déchargeais d’un poids énorme. Et j’ai eu des visions très noires. J’ai beaucoup réfléchi à ma séparation, mais aussi à ma relation à mon boss très toxique. Et puis, j’ai reçu de très beaux messages: je me suis vue en train d’aider des gens à gravir une montagne.
Mes mains se sont mises à brûler très fort. Comme si je pouvais ressentir l’énergie universelle.
J’étais déjà initiée au Reiki depuis quelques années, mais ce moment m’a permis de comprendre que j’avais quelque chose à faire avec mes mains. C’est grâce à ce moment très fort que j’ai pensé à professionnaliser ma pratique du Reiki, ce que je fais désormais. J’avais des visions de moi en train d‘aider les autres. À l’époque, j’étais pourtant responsable marketing dans des starts-up digitales. Un milieu avec beaucoup de pression. Lors de cette cérémonie, j’ai eu l’impression de mourir, mais aussi de vivre une renaissance. Quand je me suis réveillée le lendemain, il a fallu m’aider pour marcher: j’avais l’impression d’être comme Bambi, avec les jambes qui flageolent. Comme si je devais réapprendre à marcher. J’ai rarement retrouvé un tel état de sérénité et de paix intérieure. Mon mental en off, j’étais totalement concentrée sur l’instant présent. Au final, tout le monde a vécu l’expérience de manière différente: certains se marraient, d’autres pleuraient ou se sentaient en connexion avec la nature. Il y a de la souffrance, bien sûr, mais c’est très libérateur. Cette expérience m’a permis de comprendre que j’étais dans une phase de transformation, que je devais accepter que les choses prennent du temps. En décembre 2019, soit quelques mois après, j’ai quitté mon boulot sans autres plans. Tout a commencé à prendre sens. Je suis donc satisfaite de cette expérience, mais je trouve qu’il est essentiel de rappeler que cela doit être bien encadré: j’ai vu de nombreux reportages sur les dérives, et elles ne sont pas à prendre à la légère. Des personnes moins avisées et plus fragiles pourraient être manipulées.”
Les risques liés à la consommation d’Ayahuasca
La consommation d’ayahuasca comporte des risques importants qui ne doivent pas être ignorés :
• Sa consommation peut entraîner des effets secondaires comme des nausées, des vomissements, des diarrhées, des vertiges, des hallucinations intenses et des altérations de la perception du temps et de l’espace. Il est également possible de vivre des bad trips (peur intense, panique, paranoïa, sensation d’être ‘prisonnier’, agressivité…). C’est pourquoi sa consommation doit être bien encadrée. Il faut être conscient que des décès ont déjà été dénombrés à la suite de cérémonies chamaniques.
• Certaines personnes, en particulier celles souffrant de troubles médicaux préexistants ou prenant des médicaments, peuvent être exposées à des risques accrus en consommant de l’ayahuasca.
• Les individus ayant des antécédents de troubles mentaux, tels que la schizophrénie ou la bipolarité, peuvent être particulièrement vulnérables à des épisodes psychotiques déclenchés par la substance.
• Même si l’ayahuasca n’est pas considérée comme addictive sur le plan physique, certaines personnes peuvent développer une dépendance psychologique aux expériences qu’elle procure.
• Face à l’engouement actuel pour l’ayahuasca, un tourisme chamanique se développe. Des faux chamanes en profitent pour se faire de l’argent sur le dos de personnes fragiles, avec les risques qui en découlent.
Si vous souhaitez vous laisser tenter par l’expérience à l’étranger, consultez un professionnel de la santé pour évaluer votre aptitude physique et mentale à la consommation de cette substance. Assurez-vous que le guide ou le chamane soit qualifié et respectueux des traditions et que l’environnement soit propice à la sécurité et à la réflexion.
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