TÉMOIGNAGES: ils ont quitté la ville pour la campagne
Depuis la pandémie, la ville semble avoir perdu de son attrait pour beaucoup. Et nombreux·ses sont ceux et celles qui ne rêvent aujourd’hui que de verts pâturages et d’entendre le chant des oiseaux au réveil. On a rencontré trois nouvelles campagnardes, qui nous racontent leur vie, loin de la clameur citadine.
Dès la fin de la rénovation de sa nouvelle maison, Line, 29 ans, directrice artistique chez Flair, quittera la ville bondée pour retourner dans son village natal, à deux pas de chez ses parents, avec son compagnon et de sa fille.
«Mon amoureux et moi, nous l’étions déjà promis il y a un certain temps: un jour, nous allions vivre plus près de nos familles. Nous provenons de la même région et avons été en secondaires ensemble. Mais nous ne nous attendions pas à franchir le pas si vite (rires). Deux choses ont accéléré notre décision de quitter la ville. Tout d’abord notre fille, Marie, âgée de 2 ans, et ensuite la crise du Coronavirus. Les avantages d’être citadins ont soudain été dépassés par les inconvénients. Il est devenu impossible d’aller manger un morceau dehors ou de s’installer en terrasse et nous nous sommes souvent retrouvés coincés entre nos quatre murs. Marie n’avait pas de jardin où courir, et si les parcs étaient une alternative, ils n’offraient pas la même liberté. Le télétravail avec un enfant de 2 ans s’est aussi révélé très intense. Dans notre maison actuelle, nous n’avons pas l’espace pour installer un bureau séparé. Marie jouait dans le salon où nous travaillions. Ma maman venait régulièrement faire du baby-sitting pendant que j’essayais de me concentrer sur mon ordinateur. C’était plutôt… sportif (rires).
Retour à ses racines
Chaque fois que nous nous rendons en voiture chez mes parents, nous passons par la même rue pleine de belles maisons des années 60‑70, entourées de bois. Nous avions toujours eu l’intention de nous y installer un jour, lorsqu’un endroit se libèrerait. Cela a soudain été le cas, mais le lieu s’avérait beaucoup trop cher et trop grand pour nous. Cependant nous avons découvert qu’un peu plus loin, une autre maison était à vendre, celle de l’ancien marchand de journaux où j’allais chercher des bonbons lorsque j’étais petite. Nous sommes allés la voir et avons vite réalisé que nous ne trouverions pas de sitôt un autre endroit avec une telle architecture et une histoire aussi particulière.
Beaucoup d’amis n’imaginaient pas que nous franchirions le pas. Je pense qu’ils ne croyaient pas -vraiment que je finirais par revenir un jour.
Nos parents, eux, étaient par contre surexcités et c’est aussi pour cela que avons pris cette décision. Quand on voit leur relation avec Marie, on se rend compte à quel point c’est agréable de grandir et d’évoluer près de sa famille.
Tranquillité d’esprit
Je suis si heureuse à l’idée de laisser Marie courir joyeusement dans le jardin sans avoir à s’en faire constamment. En ville il faut avoir des yeux partout et toujours la surveiller, sans quoi elle traverserait la rue sans regarder. Cela m’offrira plus de tranquillité d’esprit. Le jardin s’avère par contre plus grand que prévu. Je ne sais pas du tout comment on va s’en occuper, il y a même des types d’arbres que je ne connais pas. On va vraiment devoir s’acheter une tondeuse à gazon (rires)! Marie ira à la même école maternelle que celle que j’ai fréquentée enfant. Tout semble si familier. En ville, j’étais fière de mes origines campagnardes et une fois revenue chez moi, je reste heureuse d’avoir connue la vie citadine. Celle-ci va malgré tout beaucoup me manquer quand nous déménagerons. Nous aimons vraiment habiter ici, dans un chouette quartier, rempli de vie et de gens sympas. J’espère pouvoir revenir y faire des citytrips à l’occasion et profiter à nouveau des terrasses et des glaciers. À 2 ans, Marie ne se rend pas vraiment compte du futur déménagement. J’ai hâte de l’emmener en balade plus tard pour lui faire découvrir la ville. »
En totale overdose du bruit des valises sur les pavés, Ruben, 34 ans et Louise, 29 ans, ont troqué
leur maison au cœur de Bruges contre un charmant cottage campagnard.
Ruben « Louise a toujours vécu à Bruges et a donc littéralement grandit en ville. Je suis de mon côté originaire de la campagne. Il y a cinq ans, nous avons emménagé ensemble dans la Venise belge, à deux
minutes à pied de la Grote Markt. J’ai vite remarqué que si beaucoup de choses me dérangeaient, elles ne semblaient absolument pas ennuyer Louise. Des broutilles, comme la difficulté de trouver des places de parking, même lorsqu’il n’y a aucun évènement de prévu. Un voisin a calculé le nombre de bus passant chaque jour. Il en est arrivé à 311. Je ne sais pas si c’est réellement le cas, mais ça en donnait l’impression! (rires). De plus, chaque vendredi, des bus transportant des hordes de touristes débarquaient devant les hôtels voisins. Et lorsqu’ils en descendaient, nous entendions continuellement le bruit des roulettes de leurs valises sur les pavés. »
Louise « Nous vivions dans une vieille maison très romantique, avec une petite terrasse, mais aussi, du simple vitrage partout. En d’autres termes: on entendait tout ce qui se déroulait dehors, jusqu’aux conversations des passants. Je n’y faisais pas attention, je n’avais jamais rien connu d’autre.
Mais Ruben insistant sur la nuisance que cela représentait, j’ai commencé à le percevoir aussi. » Ruben « Nous avons d’abord regardé pour déménager à Bruges. Après tout, nous n’habitions pas dans le quartier le plus calme. Mais on s’est vite rendu compte qu’il serait impossible de trouver quelque chose d’abordable. J’ai donc commencé à chercher hors de la ville. Je pense pouvoir dire que nous avons visité plus d’une trentaine de maisons. Puis l’agent immobilier m’a appelé, alors que Louise était en vacances, pour me dire qu’il nous avait trouvé une maison dans un village à 15 kilomètres. »
Papoter à la boulangerie
Louise « Je suis tombée instantanément amoureuse de la maison. Elle date de 1892 et était autrefois en partie une écurie. Tout le monde nous a trouvé fous de vouloir nous lancer dans un tel projet de rénovation, mais nous étions sous le charme des lieux. Notre maison est totalement entourée de champs. Le bruit et le passage constant qui nous ennuyaient tant à Bruges ont disparu. À peine une ou deux voitures se perdent par ici. Lorsque nous sommes assis dans le jardin, nous pouvons même entendre les vaches brouter l’herbe. Nous habitons à proximité de fermiers qui nous donnent des courgettes, des œufs frais ou même des crêpes maison. Nous n’avions rien de tout cela en ville. »
Ruben « Il y a un vrai esprit de communauté. J’ai grandi dans un village ou l’on disait toujours bonjour à tout le monde, même aux inconnus. Les gens de la ville ne fonctionnent pas ainsi, alors au bout d’un moment, c’était presque devenu un jeu de voir qui allait répondre à notre salut. »
Louise « Alors qu’ici, lorsque vous allez à la boulangerie, vous savez que vous risquez de vous absenter une heure, car vous discuterez avec tous ceux que vous croiserez en chemin (rires). Et nous recevons bien plus de cartes dans nos boîtes aux lettres, comme lorsque nous nous sommes mariés ou pour la naissance de notre fils. Et bien que nous ayons de très beaux souvenirs de notre vie à Bruges, je ne voudrais pas y retourner. Moi qui pourtant avait -toujours affirmé que je resterais une citadine pure et dure. »
Ruben « Ce que nous décrivons ici semble idyllique et idéalisé et pourtant, c’est vraiment notre réalité. »
Karen, 31 ans, ne se serait jamais attendue à tester un jour la vie à la ferme. Elle a pourtant quitté la métropole pour les verts pâturages. Et n’échangerait pour rien au monde la paix qu’elle y a trouvé.
«Après des études en ville, j’y suis restée. Le rythme citadin correspondait bien à mon mode de vie de l’époque. Je pouvais à tout moment décider de retrouver des amis et d’aller au cinéma, au restaurant, ou au café, à pied ou à vélo. D’autant qu’en matière de planification de rendez-vous ou de ménage je ne suis pas très structurée. Je n’aime pas prévoir les choses longtemps à l’avance et la ville se prête à une certaine spontanéité. Pour quelqu’un comme moi, qui ne pense ni aux menus ni aux plans de la semaine, ça permet de prendre très facilement des décisions en dernière minute, comme aller au resto ou commander via Deliveroo.
Et puis, est venu un certain moment ou mon amoureux et moi, avons remarqué que la ville devenait de moins en moins compatible avec ce dont nous avions besoin. Nous entrions dans une phase différente de nos existences.
En tant qu’étudiant, on puise son énergie dans l’animation citadine. Besoin de repos? Il suffit de profiter de la nature d’un parc ou du jardin de ses parents. Mais nous remarquons aujourd’hui que nous préférons nous installer au calme et profiter de la clameur de la ville quand nous le souhaitons. C’était donc décidé, il nous fallait chercher un nouveau lieu de vie. Ce qui était sûr, c’était qu’il devrait être plus isolé. Mes beaux-parents qui vivaient dans la campagne avaient été très clairvoyants en achetant il y a quelques années un terrain à bâtir pour leurs enfants, près de chez eux. Je ne connaissais pas du tout leur coin avant d’être avec mon amoureux et je l’ai trouvé loin de tout, ce qui ne m’a pas plu d’emblée. Même si un Français aurait tendance à rire de ce que nous autres belges pouvons appeler ‘éloigné’, pour moi devoir faire 40 minutes de route pour être chez mes parents, c’était clairement trop long. Et puis je ne m’imaginais pas non plus me retrouver fermière dans un tel trou paumé (rires). Mais près d’ici, tout le monde se connait, le marché prend toute une rue et dans de nombreuses familles, les gens vivent très proches, de générations en générations. Quand j’ai réalisé aussi qu’il s’agissait d’un avantage financier, les ‘contre’ sont soudain devenus très relatifs.
Merveilleux calme
Aujourd’hui, ce coin est pour moi une combinaison unique d’un lieu de caractère, joliment verdoyant à l’emplacement parfait, à seulement 15 minutes en voiture de la ville. Je remarque que lorsque je rentre à la maison, je me sens immédiatement apaisée, même après une journée de travail. Curieusement au début, je trouvais pourtant la nature très bruyante. J’entendais le sifflement de chaque oiseau et le bourdonnement d’une abeille se posant sur une fleur. J’ai heureusement appris à en profiter et désormais cela a un effet déstressant. Lorsque les gens de la ville viennent ici, la première chose qu’ils remarquent, c’est le calme incroyable. Et lorsque je prends un verre avec des amis en ville, je réalise que je suis devenue plus sensible au bruit de la circulation, au passage des gens… Je n’ai plus le bruit de fond de la vie citadine en permanence en arrière-plan et j’ai pris conscience d’à quel point son volume était en fait élevé autour de notre ancienne maison. Même si j’aime toujours me rendre en ville, je n’ai plus l’impression de rentrer à la maison là-bas. Je n’aurais sûrement pas dit cela il y a cinq ans, mais la campagne a conquis mon cœur. »
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