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© Getty Images

Témoignage: Anne 30 ans, est la maman de Novan, atteint de trisomie 21

La rédaction

Il y a trois ans, Anne, 30 ans, a été confrontée au choix le plus difficile de sa vie : célibataire et enceinte involontairement, elle a appris qu’elle portait un bébé atteint de trismomie 21.


“Pendant mes études, je suis tombée par hasard sur un ami que je n’avais pas vu depuis longtemps. Nous avons commencé à sortir ensemble, mais il n’était pas question d’une relation sérieuse. Puis je suis tombée enceinte, une surprise à laquelle aucun de nous deux ne s’attendait. J’étais encore étudiante, je vivais en kot et je voulais absolument finir mes études. Mon copain avait déjà deux enfants avec son ex et ne se voyait pas devenir papa encore une fois. De mon côté, m’occuper d’un bébé tout en poursuivant mes études me semblait impossible, tant sur le plan pratique qu’émotionnel et financier.

Un imprévu qui change tout


Je suis alors allée chez le médecin pour ­discuter des différentes options pour interrompre la grossesse. Elle m’a envoyé passer une échographie, après quoi j’avais cinq jours pour réfléchir avant de pouvoir subir un avortement. Mais ma décision était claire. Je suis donc allée à l’hôpital et j’ai obtenu un rendez-vous pour une échographie deux jours plus tard. Qui ne s’est pas passée comme prévu. Les ­médecins ont découvert lors de l’échographie que j’avais une grossesse extra-utérine et que je devais ­subir une opération le jour-même. Juste avant d’entrer en salle d’opération, on m’a refait une échographie et là, surprise, c’était une fausse alerte et l’embryon était bien à l’intérieur de l’utérus. On m’a renvoyée à la ­maison et j’ai dû revenir pour un contrôle et une ­nouvelle échographie.

Mère célibataire


Une fois rentrée chez moi, je ne pensais plus qu’à une chose : je ne voulais pas perdre ce bébé. Quelques jours plus tard, je suis retournée à l’hôpital. On a prélevé du sang pour mesurer mon taux d’hormones et j’ai passé une autre échographie. Celle-ci a confirmé que ­l’embryon était bien à sa place dans l’utérus.

L’image de cette petite boule sur l’écran et le son de ses ­battements de cœur m’ont confirmé que je voulais ­garder cet enfant, malgré les difficultés que cela ­entraînerait.


J’ai quitté ma résidence étudiante et j’ai emménagé chez mon copain. Dans les semaines qui ont suivi, j’ai vécu une grossesse presque sans ­souci. Je me sentais bien et rien n’indiquait le moindre ­problème avec mon bébé. À 16 semaines de grossesse, on m’a dit que nous allions avoir un petit garçon. La perspective d’avoir un bébé dans mes bras devenait soudain beaucoup plus concrète. J’étais sur un nuage, mais ce bonheur s’est brisé lorsque le père de mon fils a soudain décidé de retourner auprès de son ex et de ses enfants. Du jour au lendemain, il a disparu de ma vie et je suis devenue célibataire. Seule et ­enceinte, j’allais devoir trouver un nouveau toit et tout le ­matériel nécessaire pour un bébé.

Un cou trop large


À ce moment-là, le NIPT (Ndlr: test sanguin prénatal ­permettant de dépister la trisomie) n’était pas encore remboursé. Il n’était généralement pratiqué que ­lorsqu’il y avait une suspicion de problèmes ou lorsque la mère appartenait à un groupe à risque. Comme ce n’était pas mon cas, je n’ai pas fait ce test. La clarté ­nucale (largeur de la nuque) de mon bébé a été ­mesurée et vérifiée lors de l’échographie de 20 semaines. Tout semblait correct, pour moi ma ­grossesse évoluait normalement. Je suis partie en voyage d’études à Londres, mais là-bas, j’ai été victime d’une grave infection rénale. J’ai dû être rapatriée en urgence en avion en Belgique, et emmenée directement de l’aéroport à l’hôpital. La grossesse n’était pas liée à cette infection, mais par prudence, une échographie a été réalisée à l’hôpital.

Le médecin a constaté que mon bébé avait des jambes spécialement courtes et une tête disproportionnée. Comme je ne mesure que 1 m 56 et que dans ma famille, tout le monde est plutôt de petite taille, on ne s’en est pas trop alarmés.


Mais le médecin m’a tout de même conseillé de suivre cela de très près. À partir de ce moment-là, je devais passer une échographie toutes les deux semaines. Je ne ­m’inquiétais pas outre mesure. Entre-temps, j’étais ­déjà à 22 semaines et je me sentais toujours aussi bien. Mon bébé était aussi très actif. Je le sentais donner des coups de pied et bouger régulièrement.

Alitée durant huit semaines


Lors de la 29e semaine de grossesse, j’ai soudainement eu le ventre qui devenait tout dur, par intermittence. Cela indiquait que j’avais déjà des contractions. J’avais également un col ouvert d’un centimètre. Ces deux symptômes ont tiré la sonnette d’alarme pour une éventuelle naissance prématurée, mais mon bébé était encore bien trop petit pour naître. C’est pourquoi j’ai été hospitalisée immédiatement. J’ai reçu un inhibiteur de contractions, un agent de maturation pulmonaire et du magnésium pour favoriser le développement du ­cerveau. Tout a été fait pour reculer la naissance le plus possible. Pendant huit semaines, j’ai dû restée alitée à l’hôpital. Pendant tout ce temps, je n’ai pas perdu mon optimisme et j’ai essayé comme je le pouvais de tout organiser le plus rapidement possible pour l’arrivée de mon fils.

Anomalie cardiaque et œsophagienne


Comme la dernière échographie montrait une possibilité d’anomalie cardiaque et une anomalie de l’œsophage, il a été décidé de pratiquer une ponction du liquide amniotique pour s’assurer que le fœtus ne soit pas atteint de trisomie 21, (également appelée ­syndrome de Down), malgré les précédents examens plutôt rassurants. Cette ponction a été réalisée le jour de mon anniversaire, ce qui m’a laissé un souvenir un peu amer. Le lendemain, le médecin est venu me voir et a pris mes mains dans les siennes pour m’annoncer que mon bébé était atteint du syndrome de Down. Ma mère, qui était venue me rendre visite, a commencé à pleurer si fort que le médecin lui a demandé de quitter la chambre. J’étais trop sous le choc pour répondre quoi que ce soit de cohérent.

Une décision difficile


Durant les semaines qui ont suivi, je me suis petit à petit habituée à l’idée de donner naissance à un fils atteint de trisomie en tant que mère célibataire. Lors de la 33e semaine de grossesse, mon gynécologue m’a présentée au chirurgien qui devait effectuer toutes les opérations dont mon fils aurait besoin pour traiter son problème cardiaque et ses problèmes d’œsophage. Ces opérations devaient avoir lieu la première semaine après sa naissance. À ce moment-là, Novan ne pesait qu’un kilo et demi. Même si le chirurgien avait accepté d’effectuer ces opérations, la médecin en chef du ­département de gynécologie m’a dit qu’il n’était pas certain que mon bébé survivrait à ces opérations. Son poids était encore très faible et l’anesthésie pourrait entraîner des risques supplémentaires pour un enfant atteint du syndrome de Down.

Même si j’étais enceinte de 33 semaines, elle m’a conseillé d’interrompre la grossesse. C’était à moi de prendre la ­décision. Mais comment décider une chose ­pareille ?


J’étais ­bouleversée. J’ai eu deux jours pour mettre ma décision sur papier. ­L’avortement n’était pas une option pour moi. Je ne voulais pas renoncer à mon bébé. Et s’il ne ­survivait pas après la naissance, j’aurais au moins essayé.

Fausse alerte


À partir de ce moment, j’ai vécu au jour le jour et je n’avais plus qu’un objectif : tout faire pour que Novan puisse rester dans mon ventre le plus longtemps ­possible. Comment je me débrouillerais en tant que mère célibataire avec un enfant atteint de trisomie, et de quels soins spécifiques il aurait besoin, je n’y ­pensais pas à ce moment-là. J’ai attendu patiemment la naissance comme le font la plupart des mamans. J’ai choisi un faire-part et préparé nos affaires pour la ­maternité. Le médecin ne voulait pas me laisser aller au-delà de 37 semaines de grossesse. Le 18 novembre, alors que j’étais à 36 semaines et six jours, ­l’accouchement a été provoqué. J’étais terrifiée. Pas pour l’accouchement, mais parce que je ne savais pas à quoi mon fils ­ressemblerait. C’est pourquoi le médecin m’a d’abord montré sa petite main et a attendu que je sois prête pour voir son visage. Sa main était super ­mignonne.

La première chose que j’ai dite en le voyant c’est : ‘comme il est petit !’ On voyait à ses yeux qu’il avait le syndrome de Down, mais j’y étais ­préparée et j’étais tellement heureuse qu’on soit arrivés ensemble jusque là.


Immédiatement après, il a été ­emmené pour qu’on ausculte son œsophage. La ­situation semblait bien meilleure que prévu. Les ­médecins s’étaient ­trompés. Le cœur et l’œsophage de Novan étaient en parfaite santé. Nous avons pu rentrer à la maison deux jours plus tard.

Un chromosome en plus


Immédiatement après cette bonne nouvelle, j’ai posté une photo de Novan sur Facebook, avec le body que j’avais spécialement commandé et portant le message: ‘Mon chromosome supplémentaire me rend craquant.’ Tout le monde a tout de suite pu savoir que j’avais un fils et qu’il était atteint de trisomie. J’ai reçu plus de 300 commentaires, plus positifs les uns que les autres. Certains admiraient le fait que j’aie osé me lancer seule dans cette aventure. Après la naissance, j’ai déménagé avec Novan dans mon nouvel appartement. Les ­premiers jours à la maison, j’ai reçu la visite d’une sage-femme et j’ai dû me rendre à l’hôpital plusieurs fois avec Novan, car il avait une légère jaunisse, mais tout s’est bien passé. Les nuits étaient difficiles, comme avec n’importe quel nouveau-né, mais Novan s’est très bien débrouillé. Même si j’étais une mère très heureuse, j’avais du mal à voir les gens qui regardaient mon bébé sans rien dire.

De nombreux traitements


Quand Novan avait quatre mois, je suis allée à la piscine avec lui et un enfant a dit : ‘Pourquoi ce bébé a des yeux bizarres et une tête plate ?’ Je préfère de loin entendre ce genre de ­commentaires plutôt que de supporter le silence et le ­regard insistant des gens. Le 18 novembre, Novan aura trois ans et en septembre, il rentrera dans une école adaptée. Il a été hospitalisé et opéré plusieurs fois ­après sa naissance. Depuis le début de cette année, il se rend dans un centre de jour trois fois par semaine, où il fait de la logopédie et de la physiothérapie. Sur le plan moteur, il a beaucoup de retard par rapport aux enfants de son âge. Mais il évolue à son rythme.

Des questions et des projets


Il est impossible de se prononcer sur le développement intellectuel qu’il pourra atteindre. Parfois cela ­m’inquiète. Comment va-t-il évoluer ? Jusqu’à quel âge va-t-il rester à la maison ? Quel enseignement pourra-t-il suivre ? Ces questions me taraudent. Mais ça n’a aucun sens de se torturer avec ça. Je trouve aussi très difficile de rencontrer quelqu’un depuis la naissance de Novan. L’année dernière, j’avais rencontré un homme, je lui ai directement dit que j’avais un fils trisomique et j’ai attendu notre 5e rendez-vous pour lui présenter Novan. J’avais peur qu’il mette fin à notre relation. Il n’avait pas d’enfant et ça aurait pu être un frein pour lui que j’aie un enfant avec un handicap, mais il m’a rassurée en me disant que ce n’était en rien un ­problème. Nous avons été heureux un moment, mais la relation n’a pas duré.

Je serais très heureuse de ­rencontrer un homme et secrètement je rêve de donner un frère ou une sœur à Novan. Est-ce que je ferai des tests pour dépister la trisomie en cas de grossesse ? Je ne crois pas.


Peu de temps après l’arrivée de Novan, j’ai demandé s’il s’agissait d’une forme héréditaire de trisomie, mais ce n’est pas le cas. Cette réponse me suffit. Laissons la nature suivre son cours.”

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