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© Getty Images

Témoignage: Elisa, 28 ans, a pris de la drogue pour étudier et résister à la pression

La rédaction

Des pilules pour mieux se concentrer pendant les examens. Des médicaments pour améliorer sa performance au travail. De la cocaïne pour tenir dans un job à pression. La promesse d’un regain d’énergie est tentante, mais c’est rarement une bonne idée. Comme le prouve l’histoire d’Elisa, 28 ans, qui a pris du speed pour mieux étudier et résister à la pression du quotidien.


“J’avais à peine 13 ans lorsque j’ai été confrontée aux drogues pour la première fois. À la maison, la situation était ­compliquée suite au divorce de mes parents. Et à l’école, je ne ­trouvais pas ma place : je ne portais pas les bons ­vêtements, je ne disais pas ce qu’il fallait et j’étais harcelée. Mon groupe d’amis prenait de la drogue. Pour la première fois, j’ai eu l’impression de pouvoir être vraiment moi-même. Au début, je prenais du speed juste pour le fun, pendant le week-end. Mais j’en ai ­rapidement eu besoin tous les jours. J’étais plus éveillée, j’avais plus d’énergie et j’étais aussi plus détendue. Personne n’a remarqué quoi que ce soit.

Le speed donne l’impression qu’on peut continuer sans s’arrêter, à l’infini. Mais un jour, le crash arrive. Et les descentes sous speed sont horribles.


Du coup, j’en prenais toujours plus, pour les éviter. Quand j’en prenais, je me sentais dans ma bulle. Rien ne pouvait ­m’atteindre. Je me sentais invincible et je ­maigrissais à vue d’œil. Un jour, j’ai quitté l’école parce que j’en avais trop pris pendant plusieurs jours en continu. Je me suis réveillée au ­service de pédopsychiatrie. Les soignants étaient pleins de bonnes intentions et je me suis débarrassée des drogues à ce moment-là. Sauf que quelques semaines plus tard, j’en ai ­repris lors d’une fête. J’avais l’impression que la drogue était la seule bonne chose dans ma vie.

Capable de quelque chose


J’ai toujours été une fille compliquée. Celle qu’on renvoyait de la classe parce qu’elle en faisait trop. Celle qui n’arriverait à rien dans la vie. Et ce, même avant que je commence à prendre de la drogue. Ce n’est qu’à mes 18 ans qu’on m’a diagnostiqué le TDAH. Mon cerveau fonctionnait différemment, ce qui ­explique le fait que le speed ait sur moi un effet relaxant plutôt que stimulant.

Vers mes 20 ans, j’ai commencé une formation, mais la pression était trop grande. Partout autour de moi, on me disait que les études supérieures n’étaient pas faites pour moi, que je visais trop haut.


Au début, j’avais du mal à suivre les cours, je n’avais pas les bases. Mais je voulais prouver de quoi j’étais capable coûte que coûte. Que je valais quelque chose. J’ai pris de la Rilatine, ça m’a aidée, mais j’ai assez vite réalisé que combiner sorties et études ne fonctionnerait pas sans un petit extra. J’ai recommencé à prendre du speed ­pendant les périodes d’examens. J’avais de l’énergie à ­revendre, je pouvais étudier pendant des heures et j’ai obtenu de bons résultats au début.

Des effets dévastateurs


Ce que cette drogue fait subir à notre corps est horrible. Je dormais à peine, j’avais des ­palpitations, des problèmes d’estomac et je saignais souvent du nez. Pendant mon cours de neurologie à l’école, j’ai appris les conséquences sérieuses qui pouvaient découler de ma consommation de drogue : psychose, hallucinations, paranoïa. Une consommation prolongée endommage le cerveau et rend plus compliqué le développement d’un sentiment de bonheur. Tout à coup, j’ai eu le déclic : je ne pouvais pas aller si loin, je voulais faire quelque chose de ma vie et obtenir mon diplôme. J’ai réussi à me sevrer, ce dont je suis très fière aujourd’hui. Physiquement, c’est lourd. Vous remarquez soudain à quel point votre corps est affaibli. J’ai eu de graves maux de tête, des bouffées de chaleur et j’avais perdu ma condition physique. Mais c’est surtout mentalement que c’est difficile.

Je suis ­devenue paranoïaque, anxieuse, j’ai l’impression que tout le monde me regarde de travers. Sans la drogue, ma confiance en moi s’est envolée.


Heureusement, j’ai réussi à m’en sortir. Aujourd’hui, je travaille comme éducatrice.

Des démons dans la tête


Je suis clean depuis sept ans, mais je combats les conséquences de la drogue sur mon corps tous les jours. Mon cerveau ne sera plus jamais le même, mon caractère et mes émotions ont été affectés. Mon corps aussi en a gardé les traces : je ne dors presque pas. J’ai dépensé tout mon argent et je n’ai plus rien de côté, alors que la thérapie et les médicaments dont j’ai encore besoin aujourd’hui coûtent très cher. Et en tant qu’adulte, je ne reçois aucun remboursement pour ceux-ci. Je me bats encore contre mes propres démons tous les jours, mais je sais que je finirai par y arriver, petit à petit, pas à pas.”

L’analyse du docteur J. Tytgat, toxicologue


“Le speed est le nom familier que l’on donne à la méthamphétamine. Elle peut être avalée, ­reniflée ou injectée. Cette drogue est très addictive. Le speed accélère le rythme cardiaque, augmente la pression sanguine et la température du corps, ce qui met à rude épreuve le système cardio-vasculaire. Elle augmente le risque de formation de caillots sanguins et donc ­d’hémorragie cérébrale. Vous avez l’impression de pouvoir continuer à turbiner sans dormir et sans manger, ce qui ­entraîne un épuisement progressif du corps. Les problèmes de dents, la dépression, l’insomnie, les sautes d’humeur ­extrêmes et l’agressivité sont d’autres effets secondaires.”

Pas si magique, la Rilatine


Pour survivre à la période des examens, de nombreux ­étudiants se tournent vers le café ou des suppléments ­vitaminés. D’autres vont plus loin et prennent de la Rilatine ou d’autres médicaments qui améliorent la concentration. D’après les derniers chiffres de la Druglijn, 3 à 4 étudiants sur 100 prennent des médicaments stimulants au moins une fois par semaine, pendant la période des examens. “Ce pourcentage n’est pas élevé, mais au niveau des chiffres (environ 7.000 personnes), cela constitue malgré tout un nombre important. De plus, il n’existe aucune preuve que la Rilatine permette d’être plus performant. Notre étude a aussi démontré qu’elle n’avait pas eu l’effet escompté, ­auprès de trois quart des étudiants qui en avaient ­consommée”, affirme M. Geirnaert, directrice d’un centre ­d’expertise d’alcool et de drogues. La Rilatine est une sorte ­d’amphétamine qui donne à l’organisme un supplément d’énergie temporaire qui ne provient pas de la pilule, mais bien du corps lui-même. Vous puisez donc dans vos ­réserves, ce qui peut épuiser votre corps et votre esprit. Une fois que l’effet s’atténue, vous vous sentez d’autant plus ­fatigué. Commencez plutôt à préparer vos examens à l’avance, mangez sainement et dormez suffisamment.”

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