Témoignage: ““Je me sens homme un jour et femme le lendemain””
Difficile pour Quinn, 23 ans, de cocher l’une de ces deux cases: “M” ou “F” sur les formulaires. Il n’y trouve pas sa place car il ne corresponde à aucun des deux sexes isolément, mais aux deux à la fois. Choisir? Non merci!
“Pendant longtemps, j’ai cru qu’il fallait choisir, qu’on était soit un homme, soit une femme. Je suis né homme, mais j’ai toujours clairement ressenti mon côté féminin. Je l’ai d’ailleurs souvent repoussé. En 6e secondaire, j’ai eu une relation avec une fille. De temps en temps, je m’habillais en femme et ça ne lui posait aucun souci. Mais je luttais énormément contre ça. Lorsque je suis entré à l’université, j’ai jeté tous mes vêtements féminins, je voulais essayer en tant qu’homme. Mais ça n’a pas fonctionné non plus. À 21 ans, j’ai commencé un traitement hormonal. De l’extérieur, cela peut sembler être l’étape naturelle avant une opération de changement de sexe. Or, ce n’est pas ce que je veux, même si la société trouverait logique que je choisisse clairement un genre. Je ne veux pas être un homme ou une femme, je veux juste être Quinn, un économiste, un peintre, quelqu’un avec un bon cœur, enfin j’espère.
Des mini-jupes aux costumes
Ma tenue du jour est l’indice le plus évident de la façon dont je me sens. Au moment de mon traitement hormonal, je m’habillais de manière très féminine, avec des talons hauts et des jupes courtes. Je voulais me conformer aux clichés de la féminité. Aujourd’hui, je varie davantage, souvent en fonction de l’endroit où je vais, des gens qui seront présents. Après tout, vous construisez votre identité par rapport aux autres, j’en suis convaincue. Pour un entretien d’embauche dans une banque, je vais m’habiller et me comporter de façon très féminine, car une démarcation très claire des genres s’intègre mieux dans un environnement conservateur. Si je sors dans un bar avec des potes, je mettrai plus facilement un costume, je me comporterai de manière moins délicate et ma voix sera plus grave. Avec des amis qui comprennent tout à fait ma fluidité sexuelle, je peux être relax et détendu. Un mix de masculin et de féminin. Pour moi, cette fluidité est très naturelle, mais pour le monde extérieur, elle est souvent source de confusion. Récemment, un ami m’a encore dit ‘Maintenant que je commençais à m’habituer à te voir en fille, voilà que tu portes un costume d’homme!’
Qui suis-je aux yeux de la loi?
Officiellement, je suis un homme, même si je me comporte en général comme une femme. Idéalement, j’aimerais que mon sexe ne soit pas indiqué sur ma carte d’identité. Hélas, nous vivons dans une société manichéenne où c’est tout noir ou tout blanc.
Si je dois choisir entre cocher la case ‘Homme’ ou ‘Femme’, je penche pour cette dernière. Le hic, c’est que la loi ne l’autorise pas encore. Pour pouvoir modifier votre sexe, vous devez d’abord avoir subi une opération et par conséquent être devenu stérile. C’est horrible. Heureusement, la loi va bientôt changer, et l’on pourra changer de sexe sans avoir obligatoirement subi une opération. À ce moment-là, je serai considéré comme une femme par les autorités, mais dans la vraie vie, je ne choisirai pas. Cette apparence plus féminine, je l’ai depuis peu. Je ne me suis pas encore tout à fait trouvé moi-même. Le sentiment de ne pas être à 100 % un garçon va de pair avec le sentiment de ne pas être non plus à 100 % une fille. En amour aussi, j’essaye aujourd’hui de me focaliser surtout sur la personne. Y a-t-il un déclic, une symbiose entre nous? Alors peu importe qu’il s’agisse d’un garçon ou d’une fille. Sur ce plan-là, c’est tout à fait nouveau pour moi.
“Pssst mademoiselle”
Dans la rue, je suis confronté à des réactions que je n’avais jamais connues avant. Mais honnêtement, j’ignore souvent si les gens réagissent à ma fluidité sexuelle ou si ce sont des réactions typiques que les filles doivent affronter tous les jours. Vous savez: les sifflets, les ‘pssst, pssst’, les ‘hé, mademoiselle’… Je suis effrayé de constater tous les commentaires que les femmes doivent subir. Même si je dois admettre que les jours où je suis en fille, les gens sont plus bienveillants envers moi. Un jour, je n’avais pas bien rempli mon Go Pass, le contrôleur ne m’a pas trop embêté avec ça. Si j’avais été ‘en garçon’, je ne m’en serais pas tiré si facilement, j’en suis certain. Après l’avoir repoussé et combattu, c’est chouette de découvrir à présent les aspects agréables des deux genres. La fluidité sexuelle m’a enrichi. Même si j’aimerais être fluide dans plus de domaines, pas seulement au niveau du genre.
C’est tellement dommage de devoir toujours rentrer dans des cases: homme ou femme, croyant ou athée, artistique ou professionnel, avec des courbes ou sans, gros ou mince. Je construis moi-même mon identité, en dehors des cases que l’on me demande de cocher.
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