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© Getty Images

Témoignage: Nathalie, 30 ans, éduque ses fils de manière non-genrée

La rédaction


Nathalie, 30 ans, élève ses fils sans distinction liée au sexe. Cette maman célibataire explique pourquoi il est essentiel pour elle de laisser ses enfants jouer à la poupée comme aux petites voitures. Un sujet qui, bien au-delà du choix entre le rose ou le bleu, invite à réfléchir à l’attribution des rôles, qui commence dès la petite enfance.



“Je n’avais pas au départ l’intention d’éduquer mes garçons, Alex, 7 ans et Damien, 6 ans, de manière non genrée. Et lorsqu’au magasin de jouets ils m’ont demandé une poupée pour leur anniversaire, au lieu de voitures ou d’un Spiderman, ça ne m’a pas non plus traversé l’esprit. Ce n’est que lorsqu’il a fallu affronter des réactions comme ‘qu’est-ce que c’est que cette poupée idiote ? C’est pour les filles !’, que j’ai réalisé que j’élevais mes enfants autrement.

Olaf et Elsa


Était-ce si étrange de vouloir faire le bonheur de mes fils en leur offrant la poupée qu’ils désiraient ? Apparemment oui, si l’on en croyait les jugements extérieurs. Et mon entourage, tout en n’étant pas complètement négatif, n’était pas vraiment fan non plus. Il ne comprenait pas que je ne voie pas où était le problème. Pourtant, tout ce que je voulais, c’était découvrir leur visage heureux. Mais cela m’a permis de comprendre que j’élevais mes enfants sans distinction de genre et que je devais en avoir conscience.

Mes garçons n’ont jamais eu une éducation stéréotypée. Ils ont vu leur maman tondre le gazon, laver les vêtements et peindre les escaliers. Alex, mon aîné, m’aide à faire la vaisselle, tandis que Damien, mon cadet, s’occupe du linge et de l’aspirateur.


Pourquoi devraient-ils être seulement autorisés à jouer avec la poupée d’Olaf et pas avec celle d’Elsa ? Malgré les stéréotypes et le regard désapprobateurs des vendeurs à la caisse, je veux donner le libre choix à mes garçons.

Au-delà des mots


‘Genre neutre’ ou ‘non genré’ ” sont des termes que je trouve horribles. Tout ce que je veux c’est qu’ils soient heureux. Et le fait qu’ils préfèrent le rose et les licornes aux petits soldats ne devrait pas être un problème. Pour moi, ils sont toujours des garçons. Ce qui n’empêche pas que s’ils devaient rentrer un soir à la maison en disant vouloir être plutôt des filles, cela m’irait aussi. Mais je veux que ce soit leur décision, à eux seuls.

Le monde de l’école


Je n’obligerai jamais aucun d’eux à porter des vêtements bleus ou roses ou à s’habiller de la manière la plus neutre possible quand ils vont à l’école. Je sais qu’ils ne peuvent pas se comporter là-bas comme à la maison. Alex a terminé sa première primaire et ça n’a pas été une expérience agréable pour lui. Comme pour moi d’ailleurs. Il remettait en permanence en question mon éducation non genrée. Quand un soir, il m’a affirmé que le rose était pour les filles et pas pour les garçons, la pilule a été dure à avaler.

J’ai réalisé que la société n’est pas forcément prête à accueillir une éducation comme celle-là et j’ai dû lui expliquer que le rose est simplement une couleur, comme n’importe quelle autre.


Que par exemple, moi je n’aime pas le rose et que je préfère les vêtements verts ou bleus. Mais depuis lors, il ne porte plus son t-shirt rose préféré de Dora l’Exploratrice et ne joue plus à la poupée qu’à la maison.

L’influence de l’environnement


Maintenant que mes enfants grandissent, je remarque qu’il devient de plus en plus difficile de continuer à les éduquer loin des stéréotypes. Ils sont en permanence confrontés aux différences entre garçons et filles à l’école, et il y a même un grand contraste entre les sexes dans leurs livres de lecture. Je pense que c’est le principal problème de mon choix éducatif. Il arrivera un moment où l’influence de leur environnement et de leur milieu scolaire prendra le dessus. Et où ils diront que ma manière de faire ne leur convient plus. Je redoute déjà ce moment. Mais tout n’est bien sûr pas entre mes mains.

Leurs amis sont élevés de manière classique et ne jouent qu’avec des dinosaures et des voitures. Je suis soulagée qu’à la maison, ils osent toujours être qui ils souhaitent et continuent à aller vers leurs poupées Barbie.


Et ils adorent aller dormir chez leur tante Cindy, car là-bas, ils peuvent porter leur chemise de nuit à paillettes sans ressentir de honte. Aujourd’hui, ma famille trouve leur éducation super, mais cela reste beaucoup plus difficile à accepter pour le monde extérieur. Je ne dirai jamais à mes enfants que non, ils ne peuvent pas acheter ce modèle car il est pour les filles. Mais lorsque Damien est arrivé à la caisse du magasin avec des chaussures roses plutôt qu’avec celles habituellement destinées aux garçons, le regard du vendeur en disait long. Je dois être honnête. Lors de ma deuxième grossesse, j’espérais secrètement avoir une fille. Pas que je ne veuille plus de garçon, mais parce que je trouve qu’il est plus facile pour une femme de vivre de manière non genrée. Elle sera beaucoup moins jugée pour cela. Si elle décide de porter du cuir et de jouer les durs à la manière d’une Amy Winehouse, on dira qu’elle est cool et sexy. Mais si un homme adopte des vêtements de femme, c’est directement considéré comme honteux.

Image déformée


Ce principe s’applique aussi aux livres et aux films. Lorsqu’enfin on en trouve un dans lequel un garçon fait de la danse classique, il est généralement gay. Il n’y a bien sûr rien de mal à cela, mais cela renvoie une image déformée. Damien m’a dit récemment que chaque garçon devrait rencontrer une fille sympa dont il serait amoureux. Je lui ai demandé pourquoi et il n’a bien sûr pas été capable de me répondre. Il ne s’agit donc pas uniquement de les éduquer de façon non genrée, mais aussi de leur apprendre à accepter tout le monde et toutes les orientations. Je veux qu’ils sachent que tout est possible et je ne les laisserai jamais tomber, quel que soit leur choix. Si l’un d’eux me disait qu’à partir de maintenant, il préfère être une fille, je devrais l’accepter. Et ce malgré mon éducation et le fait que j’ai donné naissance à un garçon. Il le faut en tant que parent. Si c’est ce qu’il désire, alors c’est tout ce qui compte. Est-ce que ce serait différent de ce que j’imaginais ou attendais ? Bien sûr ! Est-ce que je serais choquée ? Probablement, ce serait logique. Mais ça n’y changerait rien.

Pas une “vraie” fille


Il est plus facile d’élever son enfant sans distinction de genre quand on est parent célibataire, car il n’y a pas de partenaire à convaincre de son choix. Alex m’a dit qu’il aimerait un papa ou une maman de plus. Un enfant ne fait pas de distinction de sexe. Tout ce qui compte pour lui est de se sentir en sécurité avec ses parents, qu’il ait deux mamans, deux papas ou un papa et une maman. Et je tiens à défendre cette idée. Sinon, comment arriveraient-ils à s’autoriser à être des princesses ou à jouer dans leur mini-cuisine ? De mon côté, je ne me suis jamais sentie ce qu’on appelle une “vraie” fille. J’étais casse-cou, je portais des pantalons larges, j’adorais porter des imprimés militaires et j’écoutais du métal. Adolescente, pas question d’enfiler des jupes et des chemisiers. Mes parents m’ont bien forcée quelques fois à enfiler des robes à fleurs, mais de manière générale, ils avaient une vision très moderne et ouverte et m’ont permis d’agir en accord avec moi-même.

Est-ce que je conseillerais à d’autres parents d’adopter une éducation non genrée ? Cela dépend. Si ce choix est fait juste pour correspondre à la tendance actuelle, alors non. Mais si c’est pour être à l’écoute des besoins de leur enfant, je le recommande vivement.


Certains éduquent leurs enfants de façon stricte, d’autres de façon religieuse. De mon côté, je les éduque sans distinction de sexe. Au final, nous faisons tous de notre mieux.”

Une éducation genrée ou pas?


Annelies Bergmans travaille pour un site dédié à l’enfance et à la parentalité, en partenariat avec un réseau d’experts : “Nous choisissons de ne pas parler d’éducation non genrée, mais d’éducation soucieuse de l’égalité des sexes. Cela signifie que vous transmettez à vos enfants la conscience des stéréotypes et des attentes sociales et veillez à les en protéger au maximum. Toutes les filles ne sont pas douces et attentionnées. Tous les garçons ne sont pas sauvages et brutaux. Nous plaidons pour une éducation qui part du principe que chaque enfant est unique, quel que soit son sexe. Et incitons les parents à ne pas se concentrer sur les différences qu’ils associent aux garçons et aux filles. Il faut aussi être conscient des rêves que les parents projettent sur leur enfant, et qui sont parfois très genrés. Comme espérer voir son fils devenir médecin ou rêver de profiter de journées shopping avec sa fille.

Quand les enfants entament leur scolarisation, ils rentrent en contact avec une vision stéréotypée transmise par la société qui s’amplifiera avec l’âge.


Mais les parents peuvent l’anticiper. Une éducation soucieuse de l’égalité des sexes aide les enfants dès leur plus jeune âge à faire des choix en fonction de leurs intérêts plutôt que des stéréotypes. Poupée ou dinosaure, boxe ou danse, science ou coiffure… il n’y a pas d’obligation de choisir un camp. La plupart des enfants découvrent qu’ils aiment à la fois certaines choses dites ‘pour les filles’ et d’autres dites ‘pour les garçons’.”

6 conseils pour une éducation prônant l’égalité des sexes
• Prenez un bon départ en ne révélant pas le sexe de votre enfant à coup de rose ou de bleu. Et continuez sur cette voie en donnant à vos faire-part de naissance une touche de couleur originale et loin des stéréotypes.
• Offrez à vos enfants des jouets leur permettant de laisser libre cours à leur interprétation. Comme des blocs en bois avec lesquels ils pourront construire aussi bien un château de princesse qu’une piste de course de voitures.
• Évitez les phrases et les jugements tout faits comme : “Un garçon ne pleure pas” ou “Les filles sont plus obéissantes.” Elles donneront inconsciemment une image très stéréotypée à votre enfant.
• Montrez une inversion des rôles dans les tâches ménagères. Comme maman changeant un pneu de vélo et papa faisant la vaisselle.
• Soyez consciente des clichés qui vous entourent et ne placez pas vos enfants dans une bulle. Cela vous permettra d’élargir votre vision de la question.
• Lisez à vos enfants des livres comprenant le moins de rôles stéréotypés possibles. Et pas que des histoires de princesses qui attendent d’être sauvées et de chevaliers qui combattent des monstres.



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