Témoignage: ““Réfugiée, j’ai tout quitté. Je n’avais pas le choix””
Les réfugiés, quelle que soit leur origine, font aujourd’hui partie de notre vie. On les voit à la télé, à la dérive sur des bateaux de fortune ou, plus près de chez nous, faisant la queue pendant des heures devant l’office des étrangers. Il y a plus de 20 ans, Viana, 35 ans et maman de deux enfants, a fui la guerre en Afghanistan.
“Avant la guerre, ma vie était douce. Très douce. Mon père était diplomate, bourgmestre et gouverneur. On vivait dans un grand appartement avec 4 chambres. Dans le village, tout le monde nous connaissait. On profitait de cette petite notoriété. J’avais des copines, je faisais du badminton, j’allais à l’école et je savourais pleinement ma liberté. Pourtant, depuis toujours, la menace de guerre faisait partie de notre quotidien. Il arrivait que des explosions éclatent dans notre quartier. Dans ces moments-là, je me réfugiais dans le hall et je me bouchais les oreilles. J’étais terrorisée. Mais comme la guerre était assez loin de nous, la situation était encore plus ou moins vivable.
Privée de tout droit
Jusqu’à ce que les Moudjahidines prennent le pouvoir, on s’était presque habitués au danger. À la minute où ils ont commencé à nous imposer leur vision de l’Islam, à terroriser des villages entiers et à faire la guerre à ceux qui osaient s’imposer à eux, tout a changé. À l’âge de 10 ans, comme toutes les autres jeunes filles et femmes, j’ai été obligée de porter le voile. Je n’avais plus le droit de jouer au badminton, ni d’aller à l’école. Le pire de tout, c’était le bruit des bombes et des grenades. Sans parler des réservoirs de carburant incendiés à quelques pas de chez nous.
Les femmes avaient peur des Moudjahidines qui les enlevaient, puis les épousaient de force. Par chance j’étais trop jeune, mais beaucoup de filles pour s’épargner cette souffrance, se donnaient la mort en sautant du haut de leur immeuble.
Quitter mon pays
Mes parents ont décidé de nous mettre à l’abri. Avec ma maman et mes deux plus jeunes sœurs, nous avons quitté le village dans l’espoir d’une vie meilleure. Ma sœur aînée a fui avec son mari. Mes frères et mon père sont restés au pays. Pendant des mois, nous avons vécu dans la rue, ou dans des camps. J’avais tout juste 16 ans lorsque nous sommes finalement montés dans un bus qui nous a amenées ici. Avoir été confrontée à toute cette souffrance et à cette incertitude m’a fait gagner dix ans d’un coup. Je ne savais ni de quoi serait fait mon futur, ni si mon père et mes frères allaient survivre. Pourtant, très naïvement, je restais confiante, convaincue qu’à notre arrivée, bouleversés par les horreurs que nous avions endurées, les gens allaient nous accueillir à bras ouverts. En réalité, nous n’étions que des numéros.
Responsable de ma famille
Comme j’étais la seule qui se débrouillait un peu en anglais, c’est moi qui ai du accomplir toutes les formalités administratives et expliquer qui nous étions, d’où nous venions et ce que nous venions chercher en Europe. D’un jour à l’autre, j’ai pris le rôle de chef de famille. Au bout de deux jours, nous avons quitté le centre d’asile pour atterrir dans un hôtel miteux. Nous y sommes restées trois semaines avant d’intégrer un autre centre. Là, nous étions mieux. Nous avions une chambre pour notre petite famille. Nous pouvions manger à notre faim, faire du sport, suivre des cours. J’étais heureuse de pouvoir faire connaissance avec d’autres jeunes filles. Pour la première fois depuis longtemps, et même si j’ai encore fait des cauchemars au sujet de la guerre pendant des années, je ne vivais plus dans la peur.
J’ai fait de mon mieux pour apprendre vite la langue. Je sentais que ma mère et mes sœurs comptaient sur moi.
Une nouvelle vie
Dès le premier jour, j’ai tout fait pour assurer à l’école. Je savais que sans diplôme, je ne pourrais pas mener une vie épanouie en Europe. J’ai réussi mes secondaires et je me suis lancée dans un baccalauréat en marketing et économie. Mes profs étaient bluffés par ma maîtrise de la langue. Lorsque j’ai fait la connaissance de mon mari, j’ai été obligée de tout arrêter pour le suivre dans une autre région, là où il avait du travail. De mon côté, j’ai trouvé un job dans un magasin de vêtements, puis dans plusieurs autres. Après la naissance de chacun de mes enfants, je suis restée quelques mois à la maison. J’adorais le contact avec les clients, mais j’ai tout de même ressenti le besoin de me recentrer vers un métier à caractère plus social.
Tellement reconnaissante
J’ai compris que sans les travailleurs sociaux et les enseignants qui nous avaient soutenues, ma famille et moi, je n’aurais jamais pu m’intégrer aussi bien. Pendant plusieurs années, j’ai bossé comme traductrice sociale. Puis, j’ai repris des études. Dans un an, je serais diplômée. Mon rêve serait de pouvoir aider d’autres réfugiés. J’aimerais mettre ma propre expérience à profit. Je sais trop ce que c’est de tout laisser derrière soi, de vivre des mois dans l’angoisse qu’une bombe emporte ceux qu’on aime et de se reconstruire dans un nouveau pays. Je suis consciente de la chance que j’ai eue. Si la guerre n’avait pas ravagé mon pays, ma vie aurait été différente, mais ça ne m’empêche pas d’être fière de ce que mon mari et moi avons accompli ici.”
À lire aussi:
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici