Témoignage: ““J’ai tout sacrifié pour m’occuper de mon enfant malade””
Une carrière au top, une vie sociale de dingue, de chouettes passions et aucun souci financier à l’horizon. Une vie de rêve à laquelle certaines choisissent de renoncer par amour. Comme Cindy, 28 ans, a mis sa vie en mode pause pour s’occuper son enfant malade.
“À 18 ans, mon diplôme de secondaire en poche, je me suis laissé tenter par des études de Secrétariat et de Tourisme. Peu de temps après, j’ai fait la connaissance de mon mari. Très vite, nous avons décidé d’emménager ensemble. Je ne me sentais pas vraiment prédisposée à faire de grandes études, mais j’avais tout de même l’ambition de faire carrière. J’ai réussi à décrocher un job d’agent commercial à la Banque de la Poste. Par la suite, j’ai décroché un contrat de fonctionnaire à la ville de Bruxelles. Je travaillais au guichet, un poste qui me permettait d’avoir un contact régulier avec les gens, chose que j’adorais. Je m’entendais aussi à merveille avec mes collègues. Bref, j’avais la sensation d’avoir trouvé mon job de rêve. Il y a 5 ans, mon mari et moi avons conçu notre fille. Jeanne est née trois jours avant termes. Après mon congé de maternité, j’ai encore bénéficié de mes jours de vacances, auxquels s’ajoutait un congé parental. À l’issue de cette très longue absence, j’ai repris le travail le cœur léger.
Mon mari et moi étions comblés. Depuis la naissance du bébé, nous formions une vraie famille. Cette période d’euphorie n’a malheureusement été que de courte durée.
Une maladie rare
Jeanne avait 8 mois lorsque j’ai reçu un coup de téléphone de la crèche. Ma fille avait un hématome au niveau de la tête et un autre sur le dos. Très vite, j’ai pensé à une leucémie. J’étais folle d’inquiétude. J’ai immédiatement appelé mon mari. Ensemble, nous avons conduit notre fille aux urgences. À l’hôpital, on lui a fait une transfusion de sang, mais Jeanne n’a pas réagi comme les médecins l’espéraient. Deux jours plus tard, suite à une biopsie, le diagnostic est tombé: Jeanne souffrait d’une infection rare de la moelle épinière. Elle était d’ailleurs la plus jeune patiente au monde à être touchée par cette maladie rare qui n’affecte que deux personnes sur 1.000.000. Jeanne a dû rester à l’hôpital pendant 8 semaines. Les premiers mois, malgré les fortes doses qu’on lui administrait, notre fille a plutôt bien supporté les médicaments. Les médecins nous ont même autorisés à la ramener à la maison. Nous avons évidemment fait en sorte de reprendre le cours normal de notre vie. Mais plus rien n’était comme avant. J’ai décidé de m’arrêter de travailler et de m’occuper de Jeanne à 100 %. Par chance, j’ai pu obtenir une pause carrière pour raisons médicales.
La transplantation de la dernière chance
Le système immunitaire de Jeanne était à ce point défaillant que je ne pouvais pas l’emmener faire des courses, à la plaine de jeux ou en excursion comme on le ferait avec n’importe quel autre enfant. Pour éviter qu’elle ne contracte une infection, nous devions limiter les risques au maximum.
Lorsque la météo était clémente, je me risquais une heure dehors. Le reste du temps, nous nous enfermions à l’intérieur. À cette époque, mon mari avait, lui aussi, décidé de prendre un mi-temps, histoire de passer un maximum de temps avec Jeanne. Nous avions envie de croire que les traitements allaient parvenir à la guérir et que nous devions juste faire preuve de patience. Les médecins nous avaient expliqué que 90% des patients atteints de cette maladie s’en sortent. Nous nous sommes reposés sur ces chiffres rassurants. Lorsqu’elle a eu 20 mois, l’état de Jeanne s’est toutefois dégradé d’un coup. Très vite, les médecins ont évoqué la possibilité d’une transplantation de moelle osseuse. Mais avant qu’elle ne puisse subir l’intervention, Jeanne a été admise aux soins intensifs suite à une hémorragie cérébrale. Le chirurgien lui a enlevé la rate dans l’espoir que cette ablation pourrait la sauver. Pendant 10 jours, notre fille a lutté contre la mort avant de finalement perdre la partie. Notre fille est morte à 22 mois. Pour son père et moi, c’était la fin du monde.
Un deuxième bébé malgré tout
Juste après la mort de Jeanne, j’étais convaincue que je ne parviendrais jamais à reprendre une vie normale. Mais grâce au soutien de mon mari, j’ai, tout comme lui, repris peu à peu le dessus. J’ai pu regagner mon ancien poste à la ville de Bruxelles et j’ai fait de mon mieux pour mener une vie relativement normale. Pour arriver à gérer ce deuil, nous avons décidé de fonder une association que nous avons baptisée Jeanne. Dans le cadre de cette ASBL, mon mari et moi rendons visite aux enfants malades dans les hôpitaux. Nous leur apportons des cadeaux et du matériel de bricolage. Après le décès de notre fille, des prélèvements de peau et de sang nous ont permis de déterminer si sa maladie était ou non génétique. Comme les résultats étaient négatifs, mon mari et moi avons décidé de faire un deuxième bébé. Trois mois plus tard, j’étais enceinte. Si nous n’avions pas été certains que Liam naitrait en bonne santé, nous n’aurions jamais pris de risques. Né 14 jours avant terme en super bonne santé, notre petit garçon ne pourra évidemment jamais remplacer sa sœur. Disons que sa présence nous aide à supporter un peu mieux l’absence de Jeanne. Pendant quelques mois, nous avons vécu le bonheur le plus absolu.
L’inconcevable vérité
Dix mois après sa naissance, la peau de Liam s’est couverte d’hématomes du même type que ceux de sa sœur. Le diagnostic des médecins nous a fait l’effet d’une douche froide, une de plus. Visiblement, cette maladie était génétique, contrairement à ce que les tests semblaient confirmer. Conclusion: comme Jeanne, les médecins souhaitaient lui faire subir une transplantation de moelle osseuse. 5 mois après avoir repris le chemin du travail, j’ai à nouveau tout arrêté pour m’occuper de Liam. Le traitement à base de cortisone qu’on lui administre semble faire son effet. Son état est stable. Si tout se passe comme prévu, la transplantation pourra avoir lieu dans quelques semaines.
Depuis l’annonce de cette maladie et dans l’attente d’un donneur de moelle, nous vivons au jour le jour. Mon mari et moi sommes prêts à nous rendre à l’hôpital à n’importe quel moment du jour et de la nuit. Toute notre vie tourne autour de ce coup de fil.
Pour éviter tout risque d’infection, nous préférons ne recevoir aucune visite. Lorsqu’il fait beau, on s’aventure quelques minutes à l’extérieur. Le reste du temps, nous restons enfermés. Les petites virées au resto ne font pas partie de notre quotidien. Ce qui me fait le plus de peine, c’est de ne pas pouvoir laisser grandir Liam au milieu d’autres enfants. Pour le reste – le fait de devoir renoncer à ma vie sociale et à mes passions, j’assume. Ce n’est évidemment pas évident tous les jours. J’essaye donc de savourer les petits plaisirs de la vie, aussi minuscules soient-ils. Sortir Liam de son petit lit le matin et le voir afficher un grand sourire suffit à mon bonheur. La guérison de mon petit garçon est la seule chose qui compte pour moi. Je suis prête à tout sacrifier pour ça!”
Interview: Jill De Bont et Marie Honnay.
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