Camille Crucifix, photographe, se glisse aux aurores dans les chambres de ses amies pour leur donner la parole sur des expériences qu’elles ont vécues et qui méritent d’être entendues. Nous l’avons rencontrée.
Bonjour Camille. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton projet “Bonne Figure”?
“Bonne figure est un projet qui mêle photographie et écriture. Je photographie des femmes ou des personnes qui s’identifient comme telles. Je leur demande de me décrire un moment où elles ont fait bonne figure. Un moment qui leur reste un peu en travers de la gorge, qui n’était pas ok.”
Comment se déroule les séances photos?
“Je me rends chez elles le matin, je leur demande l’heure à laquelle elles se réveillent. Je les photographie dans leur chambre et elles me racontent. Les histoires que je récolte sont très plurielles, mais je peux souvent trouver un fil rouge à travers ces histoires, qui sont toutes finalement liées aux systèmes de domination. On parle beaucoup de sexisme, d’agressions sexuelles, de grossophobie, de racisme. Il n’y a pas de hiérarchisation entre les histoires: ces femmes viennent avec leurs propres souvenirs et me les racontent.”
Pourquoi as-tu décidé de les photographier dans leur chambre?
“Personnellement, je vis mes moments les plus intimes et vulnérables dans ma chambre. C’est mon cocon. J’avais envie de retrouver ça. Elles m’ouvrent leur porte. Inviter quelqu’un dans sa chambre, c’est une marque de confiance. Et le matin, c’est une nouvelle journée qui commence, on n’a pas encore été confronté au monde extérieur. On est encore dans nos draps: c’est un moment très précieux, brut.”
Comment t’es venu l’idée de ce projet?
“Assez naturellement. Quand on faisait des soirées avec des copines, il y avait souvent ce moment où on commençait à se raconter des épisodes plus difficiles. La parole se libérait petit à petit. Quand on s’arrête, qu’on prend du recul sur ces échanges-là, c’est troublant de réaliser qu’on a toutes vécu des expériences similaires qu’on n’aurait jamais dû vivre. Je les ai alors contactées une à une pour qu’elles me racontent à nouveau leurs histoires, mais en regardant droit dans l’objectif. J’avais envie que leurs regards soient inévitables pour qu’on arrête de se défiler. Je voulais qu’en se racontant de la sorte, elles prennent elles-mêmes au sérieux leur propre narration.
Pour moi ce projet représente le moment où on arrête de faire bonne figure. Le moment où on arrête de prétendre que tout va bien, que tout peut nous glisser dessus. C’est le moment où on choisit nous-même ce qui nous importe et ce qui nous a touché et où on le raconte selon nos propres ressentis.”
Pour découvrir le travail de Camille, rendez-vous par ici.
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